Elections en RDC : le dépouillage débute après une journée de vote ponctuée de dysfonctionnements

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Electoral agents start the vote counting process at Zanner polling station in Goma on December 30, 2018, during Democratic Republic of Congo's general elections. - After two years of delays, crackdowns and political turmoil, the Democratic Republic of Congo voted on December 30 in presidential elections that will determine the future of Africa's notoriously unstable giant. Facing fears of bloodshed and a test of integrity, polling appeared to be free from violence but frustration over problems and controversial voting machines ran deep. (Photo by PATRICK MEINHARDT / AFP)

Le dépouillage a débuté, ici à Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo, en début de soirée, le dimanche 30 décembre. PATRICK MEINHARDT / AFP

Le Monde avec AFP et Reuters – Quarante millions d’électeurs de la République démocratique du Congo étaient appelés aux urnes, dimanche, pour élire un successeur à Joseph Kabila.
Les bureaux de vote sont passés dimanche à l’étape cruciale du comptage des voix en République démocratique du Congo, où se sont tenues des élections générales historiques, entre espoirs de changement, peur de nouvelles violences, nombreux retards et problèmes techniques. Dans un message lu à la télévision publique (RTNC), le président Joseph Kabila a félicité le peuple congolais pour avoir voté « dans la paix et la dignité » et « dans le respect de la souveraineté ».
Les bureaux de vote sont restés ouverts au-delà de 17 heures, horaire initialement prévu, pour faire face à une forte affluence dans l’après-midi, notamment due à l’ouverture tardive de certains bureaux et aux dysfonctionnements de certaines machines de vote, constatés par plusieurs observateurs.
Quatre personnes, dont un policier et un agent électoral, ont été tuées dans la province du Sud-Kivu, frontalière avec le Rwanda et le Burundi, dans l’est du pays, a indiqué à l’Agence france presse (AFP), le directeur de campagne du candidat d’opposition à la présidentielle Félix Tshisekedi. Ces personnes ont été tuées dans le territoire de Walungu, a précisé Vital Kamerhe, ex-président de l’Assemblée nationale et originaire de cette même province du Sud-Kivu.
Quarante millions d’hommes et femmes étaient appelés aux urnes afin d’élire le président qui succédera à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001. Le plus grand pays de l’Afrique subsaharienne (2,3 millions de kilomètres carrés) pourrait connaître sa première transition démocratique et pacifique du pouvoir depuis son indépendance en 1960, alors que des élections législatives et provinciales ont lieu en même temps que le scrutin présidentiel. Les résultats officiels sont attendus le 6 janvier.
A Kinshasa, Joseph Kabila s’est rendu dimanche matin au bureau de vote avec son « dauphin » désigné, l’ex-ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary. Ils ont été suivis une heure plus tard par l’un des deux principaux candidats de l’opposition, Martin Fayulu. « C’est grand jour pour le Congo parce que c’est la fin de la dictature, c’est la fin de l’arbitraire, c’est la fin (…) de dix-huit ans du système Joseph Kabila », a déclaré M. Fayulu. L’autre principal candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi, a voté en milieu d’après-midi dans un quartier de la capitale. « A nous la victoire », a-t-il lancé en faisant le signe « V » avec ses doigts.
Des électeurs à Kinshasa, le 30 décembre. MARCO LONGARI / AFP

Vingt et un candidats, trois favoris
Parmi les 21 candidats en lice, trois personnalités se démarquent pour le poste présidentiel. Emmanuel Ramazani Shadary, aujourd’hui secrétaire du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Ce politicien de 58 ans est visé par des sanctions européennes depuis mai 2017 en raison de son rôle dans la répression de manifestations de l’opposition en 2016.
Félix Tshisekedi, lui, a pris le relais de son père, Etienne Tshisekedi, décédé l’an dernier, à la tête de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Il s’est désolidarisé le mois dernier de Martin Fayulu, ancien cadre de la compagnie pétrolières Exxon Mobil d’abord désigné comme le candidat unique de l’opposition. Un sondage le donne largement en tête, même si le nombre élevé de candidats pourrait toutefois diluer les voix de l’opposition et profiter à Shadary.
Le spectre de la violence
Martin Fayulu et Félix Tshisekedi ont tous les deux refusé de signer samedi soir l’« acte pour la paix », un document dans lequel ils se seraient engagés à rejeter toute violence. Les deux hommes estiment que le texte ne tient pas compte de leurs demandes relatives à la gestion des bulletins de vote (comptage manuel, présence des observateurs électoraux à tous les stades du dépouillement). « Nous avons compris que la CENI [la commission électorale nationale indépendante] et le FCC [coalition de la majorité] ne sont pas pour des élections crédibles et transparentes », a expliqué le directeur de campagne de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe. « Des inquiétudes planent encore sur nos têtes et la peur couve dans nos cœurs », a déclaré l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, alors que catholiques et protestants ont manifesté samedi matin pour demander des élections pacifiques. Une association de défense des droits de l’homme assure qu’une dizaine de personnes ont été tuées pendant la campagne. Le scrutin a été reporté dans trois zones (Beni, Butembo et Yumbi), victimes d’Ebola ou de violences communautaires. Plus d’un million d’électeurs ne pourront pas voter dans ces régions, vues comme des bastions de l’opposition.
L’opposition craint un manque de transparence
Le pouvoir a refusé toute aide logistique des Nations unies et la présence d’observateurs européens ou américains dans l’encadrement du scrutin. Le représentant de l’UE en RDC a même été sommé de quitter le pays jeudi. Des centaines d’observateurs africains et 67 journalistes étrangers (selon la CENI) suivront toutefois cette journée électorale. L’inquiétude concerne la « machine à voter », un écran tactile. Il n’est pas dit qu’elle soit présente dans les 80 000 bureaux de vote du pays. L’élection de dimanche, prévue fin 2016, a été repoussée trois fois, officiellement en raison d’un manque de moyens. Le vote du 23 décembre a été reporté d’une semaine après un incendie dans un entrepôt de la CENI à Kinshasa qui avait détruit 77 % de l’équipement nécessaire pour l’organisation du scrutin dans la capitale.
Pour Joseph Kabila, « la menace sécuritaire est sous contrôle »
L’actuel président ne brigue pas de troisième mandat successif puisque la Constitution le lui interdit. « J’ai l’intime conviction que tout va bien se passer dimanche », a-t-il confié au Monde, admettant que « des violences post-électorales ne sont pas à exclure, mais la menace sécuritaire est sous contrôle ». A 47 ans, M. Kabila n’a pas forcément dit adieu au pouvoir. Il pourrait se présenter en 2023 et une victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary lui permettrait de rester actif en coulisses.

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