Par Eric NGABA
Bangui 27/09/16 (Ndjoni Sango) : la Cour Pénale Spéciale tant attendue par les victimes de plusieurs années de conflits armés qu’a connus la République Centrafricaine, donne déjà les signaux de son opérationnalisation. Une conférence portant sous le thème « Pourquoi une Cour Pénale Spéciale ? Contexte, défis et perspectives » a été organisée le 22 septembre 2016 par une délégation du Groupe Africain pour la Justice et la Fin de l’Impunité à Bangui. L’objectif est de discuter du système judiciaire de la République Centrafricaine, de la lutte contre l’impunité et de la création de la Cour Pénale Spéciale.
Des centaines de personnes ont pris part, le vendredi passé à l’Alliance française de Bangui, à cette conférence qui jette les bases de la mise en œuvre la Cour Pénale Spéciale tant réclamée par les Centrafricaines. Cette conférence a réuni de nombreux experts africains en droit pénal international et droit humain dont entre autres Hassan Bubabar Jallow, ancien Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Didier Preira, ancien Greffier adjoint de la Cour Pénale Internationale, et Catherine Samba-Panza, ancienne Cheffe d’Etat de la République Centrafricaine.
La conférence s’inscrit dans le cadre des efforts devant permettre l’opérationnalisation de cette juridiction pénale en Centrafrique afin de lutter contre l’impunité. Il s’agit notamment de discuter le contexte politique et historique de l’élaboration de la loi organique sur la Cour Pénale Spéciale et le défis auxquels vont faire face les magistrats centrafricains et internationaux travaillant au sein de la Cour.
Cette conférence a permis de faciliter la coopération entre les acteurs, d’identifier les besoins du système judiciaire national et de préparer les mécanismes d’une coopération renforcée pour l’avenir. Composée de magistrats centrafricains et internationaux établis au sein du système judiciaire centrafricain, la Cour Pénale Spéciale exécutera le droit centrafricain pour fonctionner. Elle sera chargée d’enquêter sur les crimes les plus graves, et de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crime contre l’humanité commis sur le territoire centrafricain depuis 2003. La loi centrafricaine a prévu la mise en place progressive de la juridiction afin que l’opérationnalisation immédiate de la police judiciaire, des cabinets d’instructions, et du parquet pour que les enquêtes puissent commencer.
« La Cour Pénale Spéciale est une étape historique à côté de laquelle, la République Centrafricaine ne passer. En combinant le renvoi à la Cour Pénale Internationale, et la création d’un mécanisme national spécifique et renforcé, la République Centrafricaine ouvre la voie en matière de lutte contre l’impunité. La Cour Pénale Spéciale est unique au monde. Elle est intégrée dans l’ordre judiciare centrafricain. Elle ne sera donc pas une copie des tribunaux onusiens, mais sera applicable à la loi centrafricaine », a fait savoir Jean Christophe Nguinza, ministre du secrétariat du gouvernement centrafricain, représentant le ministre centrafricain de la justice, Flavien Mbatta à cette conférence.
En raison de l’abolition de la peine de mort en République Centrafricaine depuis 1981, la peine maximale applicable pour cette juridiction pénale sera l’emprisonnement à perpétuité. Pour leur donner les moyens qu’il faut à leur mission, le Groupe Africain pour la Justice et la Fin de l’Impunité se propose d’apporter son soutien à l’opérationnalisation de la Cour en Centrafrique comme l’a souligné la Directrice du Secrétariat pour le Groupe Africain.
« Nous sommes à Bangui pour discuter de la Cour Pénale Spéciale. Le Groupe Africain pour la Justice et la Fin de l’Impunité veut apporter son soutien au projet d’installation de la Cour Pénale Spéciale. Il veut aussi établir les besoins des acteurs nationaux afin d’apporter l’expertise technique et de formations pour renforcer les capacités. Nous sommes d’avis qu’il faut comprendre la Cour Pénale Spéciale dans un contexte plus large de naissance d’un système de justice pénale national où différents acteurs nationaux, régionaux et internationaux collaborent ensemble pour lutter contre l’impunité « , a affirmé Bettina Ambach, Directrice du Secrétariat pour le Groupe Africain pour la Justice et la Fin de l’Impunité, par ailleurs Directrice de la Fondation Wayamo.
Créé en novembre 2015 à la Haye avec des membres distingués et expérimentés du monde de la justice pénale internationale et des droits de l’homme, le Groupe Africain pour la Justice et la Fin de l’Impunité a pour mission de promouvoir la justice et le principe de la responsabilité juridique en Afrique à travers le renforcement des capacités nationales et régionales et à travers la sensibilisation. La création de cette juridiction pénale démontre que seule une lutte implacable contre l’impunité peut créer les conditions de rétablissement de l’Etat de droit en République Centrafricaine. Car, il n’y a pas d’Etat démocratique sans une justice forte et équitable. Cela dit, les auteurs des crimes graves qui ont endeuillé des milliers de foyers et qui défient au quotidien l’autorité de l’Etat répondront devant la justice. Un comité de sélection des membres nationaux a été mis en place pour la composition de tous les membres au sein de cette Cour.
Il est une nécessité que la sélection se fonde sur des critères de compétence et d’intégrité morale, afin que la corruption et la complaisance ne viennent pas compromettre les résultats escomptés. S’agissant des membres internationaux, le gouvernement a déjà approuvé la procédure et les termes de référence soumis par les Nations-Unies. L’opérationnalisation de cette juridiction pénale est en exécution d’ici depuis 2017.