Centrafrique: "Il faut aller dans une direction qui permet de ramener la paix et la sécurité"dixit Sylvain Sami

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Sylvain Sami, leader politique centrafricain/@Eric Ngaba

Par Eric NGABA

Bangui 18/10/16 (Ndjoni Sango.net) : dans un entretien exclusif à notre rédaction, Sylvain Sami, leader politique centrafricain analyse la situation que le pays traverse en ce moment.  La situation sécuritaire et socio-économique du pays attire l’attention du jeune leader politique centrafricain. Profitant de son court séjour à Bangui, il a accordé une interview à la rédaction de Ndjoni Sango. Analysant la situation sécuritaire en République Centrafricaine, il a fait des propositions pour la sortie définitive de la crise dans le pays.   

Ndjoni Sango (NS) : Monsieur Sylvain Sami, bonjour. Vous avez quitté le pays il y a longtemps et aujourd’hui vous êtes revenus. Qu’est-ce que vous avez remarqué  au premier lieu?

Sylvain Sami  (SS): Bonjour. Je suis très triste. Tous ces changements, cet état difficile que le pays a traversé, la situation sécuritaire reste instable. Donc, c’est la première des choses quand je suis arrivé, j’ai trouvé beaucoup de changements et je ne me retrouve pas.

Beaucoup de changements dans le sens positif ou négatif ?

C’est-à-dire que déjà même en distance, on avait des données sur le pays. Mais là je constate que on ne se sent pas vraiment en sécurité.  Beaucoup des gens sont fragilisés. Le moindre endroit  où  l’on se trouve, on se pose la question de savoir est-ce qu’on est en sécurité, ce qui se dit au tour de table, dans les lieux où l’on peut passer faire des courses, on sent qu’il y a encore des peurs. Ce qui fait que ça reste encore difficile pour les Centrafricains.

Aujourd’hui le président élu Faustin Archange Touadera a déjà passé le cap des 6 mois de son mandat à la tête de l’Etat, étant Centrafricain qui a vécu l’étranger, quel bilan faites-vous de ces 6 premiers mois de la gestion du pouvoir?

Je crois que le Chef de l’Etat a pu démarrer son action. Je l’ai dit ressèment dans une interview qu’effectivement au bout de quelques mois qu’il a démarrés, ça reste très fragile. Il n’y a pas eu des actions très ciblées, et qui permettra de dire haut et fort que le temps est déjà passé. Il fallait aller dans une direction qui permettra de ramener la paix et la sécurité assez rapidement partout sur le territoire. Maintenant, il faut savoir que le Chef de l’Etat n’est pas seul et il ne peut pas être partout. Donc Il y a des ministres. Chacun à sa mission, et que  ces ministres doivent l’aider à pouvoir accomplir sa mission.  Donc il faut aussi donner cette espace pour que ces ministres puissent accomplir leur missions. Donc je ne peux que rappeler et réitérer au gouvernement de pouvoir aider le chef de l’Etat car on ne peut pas compter seulement sur le chef de l’Etat. il a un objectif, il a donné des directives que les ministres doivent pouvoir travailler résolument pour aboutir aux objectifs que le peuple attend.

Aujourd’hui, le peuple centrafricain réclame le redéploiement des FACA qui sont présentement en formation par les forces européennes de l’Eutm dans le pays. Quelles appréciations faites-vous de la formation et du réarmement des FACA ?

Je crois que déjà on a perdu un peu de temps depuis la transition de madame Samba-Panza.  Parce que si je me souviens, il y avait à peu près mille personnes, des unités qui devraient être formées à l’extérieur. Que sont devenues ces personnes ? S’il fallait attendre que le président Touadera soit là pour pouvoir former les gens, donc on a beaucoup pris du retard. Ça veut dire qu’on ne peut pas répondre concrètement aux attentes. Mais qu’allons-nous faire ? On va prendre combien de temps pour mettre en place les Forces Armées Centrafricaines.

Dans ce même sens, j’aborde le DDRR des groupes armés et la Réforme du Secteur de Sécurité, est-ce que, selon vous, cela prend du retard ?

Le retard est déjà acquis. Il faut ramener la sécurité. Le peuple a confié la responsabilité, le pouvoir  au gouvernement qui doit travailler dans une même dimension pour passer à un autre cap au lieu de tergiverser. Chacun doit prendre sa responsabilité au sérieux. Je pense qu’il faut aller de l’avant car l’Etat reste encore fragile. On ne peut pas juste avoir des discours diplomatiques et dire que voilà on va faire ceci, on va faire cela. Concrètement, le constat est le même. Les forces internationales doivent aussi aider les autorités du pays à résoudre le problème de sécurité.

Les populations accusent la Minusca qui ne joue pas front jeu sur le plan sécuritaire. Qu’en dites-vous ?

Je crois que cela nous rappelle, à nous tous Centrafricains. Que voulons-nous ? Cette question, je la pose à moi-même et à tous les compatriotes Centrafricains. Parce que s’il faut attendre de l’internationale, ils seront là aussi dans l’attente. Donc il faut à un moment donné, prendre à bras à le corps, prendre des risques nous-mêmes en tant que responsable pour agir.  C’est dure mais parfois, il faut franchir les lignes qui ne plaisent pas à l’opinion internationale pour dire non, on va faire cela parce qu’il est nécessaire pour nous de sortir de cette crise. Mais à un moment donné, on doit taper sur la table pour dire, vous voulez nous accompagner, voilà ce que nous avons besoins pour avancer.

La question de la justice, il y a beaucoup de crimes et de violations des droits de l’homme. Que pensez-vous de la Cour Pénale internationale et de la Cour Pénale Spéciale en création en Centrafrique afin de juger les auteurs?

Sur le plan international, je pense que ce n’est pas le moment parce que ça concerne pour l’instant que de la nation centrafricaine. Au préalable, il faut d’abord restaurer la stabilité. Ensuite, nous pouvons parler de la Cour pour que la justice puisse nous accompagner dans le processus de paix. Tant qu’il n’y a pas de sécurité sur l’ensemble du territoire national, il me semble difficile de faire le cap de la justice.

Monsieur Sylvain Sami, la solution à la crise centrafricaine, est-ce le dialogue ou la force ?

Le dialogue au passé, on avait eu au temps de Bozizé, et récemment au temps de la transition de Catherine Samba-Panza également. Cette fois ci, après les élections, on a pensé à un autre dialogue pour la réconciliation nationale. Oui, je suis pour le dialogue mais ces multiples dialogues peuvent nous donner quoi. Le dialogue est nécessaire si les gens et les acteurs sont engagés dans une vérité pour permettre la sortie de crise.

Alors, quel regard portez-vous sur la classe politique centrafricaine de ce moment ?

La classe politique aux récentes élections nous a fait penser qu’elle allait avoir un changement réel de visage politique. C’est-à-dire qu’il y a les baobabs, les anciens et la jeunesse qui se met maintenant en place, pourront nous permettre d’avoir des visages à travers lesquels on pourra partir sur un nouveau départ.  Après, les élections étaient très difficiles, il y avait des gens qui voulaient qu’on recommence les élections. Moi j’étais le premier à dire non à ces gens qui s’opposaient au deuxième tour. Moi je dis, vous êtes engagés et nous sommes engagés, donc il faut aller de l’avant. Donc au jour d’aujourd’hui, il faut passer de l’avant. Et cela dépend de la volonté du chef de l’Etat, des acteurs politiques et de la communauté internationale.

Il y a aussi la question du budget de l’Etat centrafricain, l’un des plus faibles budgets de l’Afrique, qui a été voté. Que pensez de ce budget?

Concernant le budget de l’Etat, moi je n’arrive pas à comprendre comme cela est établi. Environ 260 milliards prévus pour le budget de l’Etat, je trouve ça très faible pour un pays en post conflit.  Le projet si on veut le faire sérieusement, il faut estimer des choses qui peuvent être réalisables. Il faudrait fixer un budget qui va nous permettre de sortir de la crise et penser au développement.

Que pensez-vous de la table ronde de Bruxelles avec les bailleurs que d’aucun pense que c’est une rencontre de tous les espoirs, d’autres estiment la RCA va s’endetter de nouveau?

La rencontre de Bruxelles pour moi, je pense que c’est simplement une rencontre diplomatique au préalable de tout ce qui peut suivre en matière de restructuration et de la paix. Il est nécessaire. Le président Touadera a bien fait les choses pour que cela soit une réussite. Maintenant, il faudrait que nos partenaires internationaux puissent être sincères, puis ne pas perdre le temps afin de pouvoir accompagner le président de la République pour que tout simplement les choses puissent se mettre rapidement en place. Parce que la population centrafricaine a trop souffert et continue à subir.  L’instabilité fragilise tout ce qu’on veut mettre en œuvre. Donc, la table ronde de Bruxelles est nécessaire. Maintenant, est-ce que les bailleurs vont pouvoir répondre dans le délai pour permettre effectivement de sortir de cette crise. C’est la question.

Le président Touadera a fait un certains nombres de propositions. La plus importante étant l’ouverture des portes à la jeunesse. Pouvez-vous que ces portes sont ouvertes aujourd’hui ?

Bien sûr, je crois que les portes sont ouvertes maintenant, mais avec qui ? La question est là. Parce que vous savez, j’ai toujours dit, créer des intentions à l’individu en face de projets de toute action. Maintenant si les portes du chef  de l’Etat sont ouvertes, il faut aider ces jeunes qui le soutiennent et qui l’accompagnent. Comme je le répète, que ça soit la jeunesse ou les politiques, l’homme doit avoir ses sincérités de vouloir aller dans le bon sens. Et tant qu’il n’y a pas cette sincérité, on va être seulement comme un figurant dans un film.  Donc, c’est là où je dis qu’il faut que les jeunes qui sont auprès du chef de l’Etat, et qui sont dans les institutions de l’Etat, il faut qu’ils sachent qu’ils ont un rôle. Le Chef de l’Etat a donné l’accès. Il faudrait que cet accès soit valorisé, valorisé avec des gens compétents qui peuvent aider le chef de l’Etat à accomplir la lourde mission.

Vous avez annoncé votre candidature à la présidentielle de 2015-2016, et à un moment, cette candidature a été retirée. Peut-on avoir les raisons de ce retrait ?

Je l’ai exprimé dans un communiqué. Donc tout simplement, je puis vous dire que les préparatifs qui ont été mis en place et certains éléments d’ordre privé m’ont emmené à me retirer. Et comme je l’ai dit, cette élection était difficile vue le nombre des candidats, ça allait être très difficile à gérer. Tout simplement pour des raisons d’insécurité, la preuve, vous avez vu que pendant ces élections, on a eu des tirs d’armes. Certains candidats n’étaient pas en sécurité. Ce n’était pas une élection mais on a accepté d’aller dans ces difficultés, c’est parce qu’on voulait passer le cap de la transition. Je ne voulais pas faire de la figuration comme beaucoup de candidats l’ont fait. Je ne veux pas faire de la figuration, je fais le concret. Voilà pourquoi je prends le temps de faire les choses de manière concrète.

Mettant le cap sur la situation humanitaire qui ne cesse de se détériorer dans le pays. Qu’est-ce qu’il faut faire, selon vous, pour les personnes déplacées internes et les réfugiés centrafricains à l’extérieur qui attendent l’aide du gouvernement et des partenaires pour regagner leurs domiciles?

Je pense sincèrement qu’il n’est pas souhaitable de faire retourner nos compatriotes à leur domicile dans les situations où nous sommes. Par contre, il est nécessaire que le gouvernement et la communauté internationale puissent faire en sorte d’appuyer nos compatriotes qui sont à l’extérieur. Comment ? Cela passe par l’aide financière bien sûr. Et puis il y a des ONG qui sont là sur place. Il faut aider ces structures à aider nos compatriotes sur place en attendant que le gouvernement puisse ramener un minimum de sécurité. Il y a de l’instabilité dans le pays, comment peut-on ramener nos compatriotes pour demeurer dans l’insécurité. Il faut trouver de solutions sur place, là où ils sont. Ramener la sécurité, puis prendre des dispositions pour leur retour. Parce que leur retour doit se faire en accompagnement car beaucoup ont tout perdu. Il faut des logements, des sites bien construits et de l’eau. Donc c’est un lourd programme pour le chef de l’Etat et du gouvernement. Je leur fais confiance et je réitère mon soutien. Mais le soutien que je réitère ne m’empêche pas de les rappeler en tant que fils du pays. Donc je crois qu’il faut laisser les compatriotes là où ils sont et trouvons des solutions surplaces en attendant de garantir la sécurité à leur retour.

Si vous avez un projet pour le pays, ça sera lequel ?

Pour le moment, c’est d’abord la sécurité. Parce que tout repose sur la sécurité. Si le pays n’est pas en état de paix, on ne peut pas faire grande chose. Vous avez aujourd’hui 100 millions pour faire l’affaire, mais comment avec l’insécurité. Les projets, il y en a mais cela nécessite la sécurité. Ce qui est important et nécessaire, c’est que les choses doivent se faire d’une manière sincère pour que nous puissions avancer.

Quel message avez-vous à lancer au peuple centrafricain ?

Je demande à nouveau au peuple centrafricain de garder le calme et de garder l’espoir. Il faut rester confiant dans l’espoir à qui nous avons confié notre espoir, on a confié la mission au président Faustin Archange Touadera. C’est vrai, je sais que c’est très difficile, tout ce que nous avons traversé. Si nous voulons avancer, il faut faire le mea-culpa. Je sais que la douleur est très grande et triste mais on ne peut pas rester dans le tribalisme, cette terminologie de Chrétiens et Musulmans. Il ne faut pas faire le semblant de dire que chrétiens et musulmans, nous sommes ensemble. Donnez-vous la peine de rester dans la prière et de garder l’espoir. Et cet espoir, il faut le manifester par le pardon car sans le pardon, sans l’action et la sincérité, ça sera difficile pour notre pays.

Monsieur Sylvain Sami, nous vous remercions.

C’est à moi de vous dire merci.

Interview réalisée par Eric NGABA

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