Le président centrafricain F.A. Touadera et les membres du gouvernement
Par Eric NGABA
Bangui 10/01/17 (www.ndjonisango.net): dans son rapport final du Groupe d’experts sur la République Centrafricaine du 5 décembre 2016, l’ONU se dit insatisfaite des efforts des autorités centrafricaines pour la résolution de la crise. Le rapport, reconduit par la résolution 2262 (2016) du Conseil de sécurité, estime qu’en dépit d’importants progrès réalisés après la transition, tels que les mesures prises, au plan national, en vue du désarmement, de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration des groupes armés ainsi que de la relance de la coopération régionale, le gouvernement centrafricain nouvellement élu n’a pas réussi à contenir la dégradation de la situation sécuritaire constatée depuis juin 2016.
Alors que la sécurisation du territoire centrafricain est assurée par les casques bleus de l’ONU du fait que l’armée nationale est en reconstruction, la République Centrafricaine demeure en proie à des affrontements des groupes armés qui continuent de défier non seulement l’autorité de l’Etat mais aussi les forces onusiennes.
Malgré que la sécurité du pays soit assurée par les forces onusiennes jugées de passivité par la population, l’ONU accuse les autorités centrafricaines de ne pas mieux faire pour régler ce problème de sécurité. Selon l’ONU, les affrontements violents entre factions rebelles de la Séléka et entre les Antibalaka et rebelles de la Séléka qui, à l’origine, semblaient localisés et être dus principalement à des luttes de pouvoir internes et des rivalités ayant pour objet le contrôle de territoires, se sont aggravés et généralisés en septembre et octobre 2016.
En outre, le rapport de l’ONU souligne que les actes de violence commis à Bangui et dans l’arrière-pays sont de plus en plus interconnectés, et influencés par les intérêts politiques de certains acteurs. Le rapport donne un exemple disant que le 12 août 2016, l’exode d’éléments Séléka quittant le quartier PK5 de Bangui, parmi lesquels se trouvaient Abdoulaye Hissène et Haroun Gaye, inscrits sur la liste établie par le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013), a provoqué, selon le groupe d’experts de l’ONU, une chasse à l’homme menée par des Antibalaka mais jouissant de l’appui tacite de certains hommes politiques de Bangui.
Les actes de violence récemment commis par les combattants de la Séléka et les efforts de la coalition pour se réunifier à Bria ont conduit à un regain d’activités des groupes Antibalaka à Bangui, certains galvanisés par le retour de Jean -Francis Bozizé, ancien Ministre de la défense et fils de l’ancien président François Bozizé sous le coup de sanctions. Les experts de l’ONU informent dans le rapport que Noureddine Adam, qui est sous le coup de sanctions, a jusqu’à présent échoué à réunifier les combattants rebelles de la Séléka.
À l’issue de l’Assemblée générale, attendue de longue date et qui s’est tenue à Bria à la fin du mois d’octobre, seul le Rassemblement patriotique pour le renouveau de la Centrafrique a rejoint le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Nourredine Adam, à en croire les experts.
« Le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC) de Mahamat al-Khatim et surtout l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC) d’Ali Darrassa ont jusqu’à présent souhaité conserver leur indépendance. Dans le centre du pays, l’UPC en particulier a encore étendu son emprise, se déplaçant de son quartier général de Bambari vers le sud et l’est afin de contrôler d’importantes zones d’extraction de diamants autour de Nzako ainsi que les trafics d’armes à partir de la République démocratique du Congo. Au nord, le trafic d’armes, au profit du FPRC, passe par Am Dafok et par Tissi, localité qui se trouve à la frontière entre la République centrafricaine et le Tchad « , lit-on dans le rapport.
Par ailleurs, le Groupe d’experts souligne qu’à l’est, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) s’est livrée à une vague d’enlèvements de civils. Le commerce auquel ce groupe s’adonne à Kafia Kingi apâti des évènements de janvier 2016, au cours desquels un certain nombre de combattants ont été expulsés après une querelle avec des commerçants locaux. La LRA continue à se livrer au pillage de l’or et des diamants et au braconnage des espèces sauvages, tout comme les groupes rivaux de braconniers soudanais.
La région du sud-ouest citée en bon exemple
Les exports de l’ONU citent en bon exemple la région du sud-ouest qui est, pour l’essentiel, exempte de conflits. Cependant, après les violences qui ont eu lieu à Bangui en juin 2016, les experts ont fait savoir que « les cas de harcèlement de rapatriés et déplacés musulmans se sont, pendant un temps, multipliés. Bien qu’elle soit périodiquement soumise à des contraintes, la liberté de mouvement des collecteurs de diamants musulmans s’améliore « .
Dans ce contexte, le Groupe d’expert ne remet pas en cause les récentes décisions de l’équipe de suivi du Processus de Kimberley relatives à la réinclusion des sous-préfectures de Berbérati, Nola, Carnot et Boda dans le commerce international des diamants.
Des présumés criminels bénéficient de l’impunité
Le Groupe note Bien que les sous-préfectures citées jouent un rôle important en marquant négativement ceux qui en sont la cible, les sanctions contre les personnes et entités désignées par le Comité ne sont mises en œuvre que de manière limitée. Ainsi, après leur inscription sur la liste, Eugène Ngaïkosset et Alfred Yekatom ont continué à percevoir leurs traitements d’officiers de l’armée, d’après le Groupe d’experts de l’ONU.
« Si Alfred Yekatom ne reçoit plus son traitement, cela est dû non à son inscription sur la liste, mais au fait qu’il lui a fallu démissionner pour se présenter aux élections législatives. Le Groupe n’a reçu que l’assurance verbale qu’il ne percevrait plus son traitement en qualité de parlementaire« , regrette le Groupe d’expert dans le rapport.
En outre, le Groupe d’expert dénonce que les procédures judiciaires contre les personnes inscrites sur la liste et autres fauteurs de troubles recensés dans les précédents rapports du Groupe d’experts n’avancent que très lentement.
« Les mandats d’arrêt lancés contre Nourredine Adam, Haroun Gaye et Eugène Ngaïkosset, tous trois sous le coup de sanctions, n’ont pas été exécutés. Jean-Francis Bozizé, arrêté par la MINUSCA, a été rapidement libéré sous contrôle judiciaire par les autorités centrafricaines. Hamit Tidjani, membre du réseau d’Abdoulaye Hissène, qui a également été arrêté par la MINUSCA et remis aux autorités centrafricaines, est, pour sa part, toujours en détention« , précise le Groupe d’expert.
La justice centrafricaine jugée inefficace
Le rapport souligne que la justice centrafricaine n’a pas délivré de mandat d’arrêt contre deux auteurs avérés de violences à Bangui, à savoir Robert Yékuoa-Ketté, ancien directeur de l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB), et Legrand Yamanza, officier de l’armée qui a tué, d’après le rapport un casque bleu sénégalais de la Minusca en juin 2016. « Des enquêtes sont officiellement en cours, mais, dans les faits, les autorités ne s’emploient guère à les arrêter « , résume le rapport.
Dans sa recommandation, le Groupe d’experts de l’ONU encourage les autorités centrafricaines à lancer des enquêtes rapides, efficaces, indépendantes et impartiales et des poursuites judiciaires contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits ou de violations du droit international humanitaire et à prendre toutes dispositions raisonnables en droit pour faire en sorte que les décisions de justice prononcées, y compris les peines, soient adéquates et proportionnelles aux infractions commises.
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