Centrafrique: « En Afrique francophone, les élites ont démissionné de leurs rôles» Kemi Seba, interview exclusive

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Kemi Seba durant une conférence de presse à Bangui@Erick Ngaba

Kemi Seba durant une conférence de presse à Bangui@Erick Ngaba

Interview exclusive
Par Erick NGABA
Bangui 19 décembre 2018—Ndjoni Sango : En visite d’une semaine en Centrafrique dans le cadre du Procès du peuple contre la Françafrique, l’Activiste Panafricain Kemi Seba s’insurge contre l’oligarchie française et l’oligarchie africaine qui appauvrirent les peuples. Dans l’interview exclusive avec la rédaction de Ndjoni Sango, il a commenté la situation globale en Centrafrique, pays meurtri par des conflits armés, où il a appelé la société centrafricain à s’opposer à toute forme de la Françafrique qui a asphyxié d’après lui les pays d’Afrique francophone.
Ndjoni Sango : Kemi Seba, Bonjour !
Keba Seba : Bonjour !
Ndjoni Sango : Vous êtes venu à Bangui et vous avez déclaré que vous êtes venu instaurer le procès du peuple contre la Françafrique. Alors, pourquoi la Centrafrique ?
Kemi Seba : On a commencé par le Burkina-Fasso, et après la RCA, il y aura tous les autres pays d’Afrique francophone. Il n’y a pas d’ordre référentiel. On s’est dit que la Centrafrique est un pays particulièrement meurtri par les affres du néocolonialisme et qu’il était nécessaire pour nous de pouvoir venir donner la parole à la population qui, depuis trop longtemps, est privé de son droit le plus inaliénable qui est la liberté d’expression, le droit d’exprimer sa doléance face au néocolonialisme qui a assassiné, qui a dépouillé et qui continue à le faire aveuglement la population ».
Ndjoni Sango : Comment se fait ce procès et pour quel but ?
Alors, ce procès va se faire, c’est le même schéma un peu partout dans les pays d’Afrique où nous allons. C’est dire qu’il a une partie civile, un certain nombre de personnes qui s’inscrivent auprès de l’ONG Urgences Panafricanistes depuis deux semaines pour représenter les différents secteurs de la population et qui viendront plaider selon un angle d’attaque contre la Françafrique en exprimant un certain nombre de méfaits que la Françafrique aura effectués. Les agriculteurs n’ont peut-être pas la même réalité que le médecin, le banquier etc… chacun vit la Françafrique de manière différente. Et la sensibilité que les femmes ont face à nos regards, ça sera une question du genre. On fera en sorte que toutes les composantes de la population se feront entendre à cette occasion ».
Ndjoni Sango : Quel est le message principal du Procès ?
Le message principal de tous les procès de Françafrique est que nous sommes en 21ème siècle, nous  sommes en 2018. Il n’est pas acceptable et nous n’accepterons plus jamais que nos terres qui regorgent d’autant de richesses, les pays d’Afrique de la zone franc soient astreints à la résidence  de la colonisation et à la néo colonisation. Il faut arriver à un moment d’être capable de couper le cordant ombilicale, d’aller de l’avant, de se transcender et de dépasser, c’est l’orientation, c’est la réflexion politique qui est la nôtre.
C’est le message de l’autodétermination, d’optimisation, et de prise en charge de ses responsabilités. Ce que nos élites ne font pas pour le peuple, le peuple le fera pour lui-même. Eh bien, ça fait un bout de temps que nous estimons qu’en Afrique francophone, les élites ont démissionné de leur rôle, c’est à la société civile africaine de prendre sa responsabilité plus que jamais.
Ndjoni Sango : La Françafrique a des causes endogènes et exogènes. Comment faire pour déraciner ce mal dans les pays d’Afrique de la zone franc ?
Quand on parle de la Françafrique, forcément l’addition de deux facteurs : l’oligarchie française et l’oligarchie africaine. Ça veut dire que les deux élites sont malades. Elles sont dans une démarche d’être en concubinage comme je le dis souvent incestueux pour se faire un maximum d’argent sur le dos du peuple, de prolétariat quelle que soit la couleur de ce prolétariat en tant que tel. Il est nécessaire que ceux qui constituent la base soient au centre de gravité de pouvoir en démocratie. Quand on parle de démocratie, généralement, c’est comme une pyramide. Le sommet, c’est celui qui dirige, c’est celui qu’on voit, c’est un petit groupe de gens qui dirigent. Mais le sommet existe parce que la base le soutient. Le jour où la base de pyramide décide de changer de l’endroit, le sommet risquera de tomber par terre et devenir un vulgaire caillou. Donc, il faut que la population songe le sens de notre mobilisation dans tous les pays d’Afrique francophone. Les populations se rappellent que c’est elles qui ont le bouton de la chaise éjectable pour dire vous restez ou vous partez. Et lorsqu’on comprend cela, on aura compris beaucoup de chose.
Ndjoni Sango : alors, comment faire pour mobiliser tous les peuples Africains au tour de cette démarche ? 
Moi je ne crois pas à l’idée de mobiliser tout le peuple. Je crois au noyau, au cercle concentrique, de un. Et je crois aux masses. Il y a une thématique de massifier le débat, faire en sorte qu’un certain nombre des gens soit convaincu de la démarche politique qui est la nôtre. Quand j’ai commencé il y avait des dizaines de personnes qui nous écoutaient. Aujourd’hui, certains parlent de millions de personnes qui nous écoutent. Des millions ne signifient pas que l’intégralité des pays de la zone franc, les habitants, nous suivent.
Mais je peux vous assurer que dans l’opinion publique aujourd’hui une grande partie des gens nous suit parce qu’on a été aussi intelligent  pour à la fois diffuser nos messages dans les langues locales à travers nos relais canaux, à la fois diffuser nos messages dans les médias et les télévisions en Afrique francophone, à travers les livres et les actions sociales. Cette addition de facteur qui permet, je pense, à ce qu’il y ait une masse de critique commence à prendre l’horizon et c’est avec cette dernière que nous serons capables d’avancer.
Ndjoni Sango : après votre venue en Centrafrique, comment ce combat politique contre la Françafrique va s’enraciner dans le pays pour une appropriation locale de cette démarche que vous menez ?
On a des responsables locaux, on a des responsables de l’ONG Urgences panafricanistes qui font un travail de très grande envergure dans cette démarche qui est jamais d’organiser la jeunesse centrafricaine sur la question relative au panafricanisme, relative à l’autodétermination de nos peuples. Donc, c’est un travail continu qui n’a pas commencé avec notre présence ici. Simplement notre présence c’est peut-être pour mettre un peu plus de lumière sur les activités locales qui sont effectuées. Il y aussi le frère Bida Koyagbelé qui  est un très grand responsable qui essaie de mener un travail avec son mouvement des paysans centrafricains « KITE » ce sont ces deux forces dont le mouvement Urgences panafricanistes et le mouvement KITE. Et ce sont ces deux leviers sur lequel, je pense, on aura compté.
Ndjoni Sango : Vous visitez la Centrafrique, quelle est votre analyse de la situation globale de ce pays ?
C’est un pays meurtri. C’est un pays en proie aux guerres civiles, un pays en proie à certain nombre de tension. Et aucun pays qui a connu des guerres ne peut s’épanouir, c’est évident. On a le sentiment que la Centrafrique est une bijouterie à ciel ouvert, il n’y a pas de vitre. Il y a de richesses  mais le peuple saigne. Je pense que plutôt que de se préoccuper de minerais, il faut d’abord se préoccuper du peuple qui souffre. Il faut faire en sorte de sécuriser ce peuple parce qu’il y a des gens qui font en sorte que se perpétue l’insécurité pour qu’ils ne puissent pas protéger ce peuple.
Donc, il y a un travail physiologique, politique social réel sur ce terrain-là. Et c’est ce que nous essayons de faire à un petit niveau avec la campagne de micro-crédit que nous commençons au Bénin, au Sénégal, que nous ferons  tôt ou tard avec les structures locales en Centrafrique, avec le mouvement KITE et l’Urgences Panafricanistes Centrafrique. Et je pense qu’on sera beaucoup plus fort d’ici quelque temps au fur et à mesure de mobiliser les personnes ressources qui sont en harmonie et en adéquation avec notre message et notre combat politique.
Ndjoni Sango : Kemi Seba, nous vous remercions.
Kemi Seba : C’est à moi de vous remercie.

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