Par Erick NGABA
Bangui 8 décembre 2024—(Ndjoni Sango) : Le Roi Mohammed VI, a adressé un message aux participants au Symposium international sur la Justice transitionnelle. Cet évènement organisé à Rabat sous le thème « les Processus de justice transitionnelle : pour des réformes durables », marque la commémoration du vingtième anniversaire de la création de l’Instance Equité et Réconciliation.
«En ce jour où vous célébrez un événement marquant dans l’histoire du Maroc contemporain, l’occasion est toute trouvée pour souligner à nouveau l’importance et la pertinence de cette étape cruciale dans la transformation démocratique et la dynamique de développement de notre pays. Pilier essentiel de la construction et de la transition démocratiques, l’Instance Equité et Réconciliation a notamment concouru à la consolidation de l’Etat de droit et des institutions et à la protection des libertés », a indiqué le Roi Mohammed VI dans son message.
Le Roi estime que ce symposium, par sa charge historique, est l’occasion de saluer les acquis accumulés par le Maroc dans le cadre du processus national de justice transitionnelle, lui-même issu d’une approche visionnaire, soucieuse de transparence et d’objectivité.
D’après lui, le moment est également bien choisi pour éclairer les générations présentes et futures sur les réformes et les réconciliations menées à bonne fin par le Royaume du Maroc. Ce sont, selon lui, des actions qui ont rendu possible une lecture décomplexée de l’histoire du peuple marocain.
« Souveraine a été n. otre décision de créer l’Instance Equité et Réconciliation pour succéder à l’Instance indépendante d’arbitrage chargée de l’indemnisation des victimes de disparition forcée et de détention arbitraire, une structure mise en place par Notre Vénéré Père, feu Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme. De plus, elle s’inscrivait au cœur d’une dynamique volontariste de gestion des affaires publiques, L’enjeu ultime n’était autre que la préservation de la dignité de tous les Marocains », a renchérit le Souverain marocain.
Dans un élan prémonitoire, a souligné le Roi dans son adresse, les Marocains ont saisi la logique des mutations profondes à l’œuvre dans le monde de la fin des années quatre-vingts du siècle passé. Car, ils ont perçu l’intérêt d’inscrire les valeurs démocratiques et les principes des droits de l’Homme au cœur des choix politiques stratégiques.
« Le modèle de justice transitionnelle adopté par notre pays s’est solidement construit autour d’un ensemble de considérations, pour certaines, historiques dans la mesure où elles puisent dans la spécificité de la personnalité marocaine, pour d’autres, géographiques et territoriales. Son objectif premier a été de focaliser l’intérêt sur toutes les victimes, tous backgrounds et toutes obédiences confondus, et d’examiner l’ensemble des atteintes aux droits de l’Homme, perpétrées depuis les premières années de l’Indépendance jusqu’à la date de création de l’Instance Equité et Réconciliation », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « Cette action a permis d’identifier et d’analyser chaque type de violation que notre pays a connu dans le passé, indépendamment de sa nature et de son ampleur. A cet effet, des investigations et des enquêtes de terrain ont été menées et des auditions publiques ont été organisées, dans les villes et dans les villages, afin de recueillir les témoignages nécessaires à l’établissement de la vérité, de réparer les préjudices individuels et collectifs. Entrepris dans le respect de l’Approche genre, ce travail visait in fine à réconcilier le peuple marocain avec son passé ».
A en croire le Roi Mohammed VI, le trait le plus distinctif de l’expérience marocaine a été l’implication de toutes les sensibilités de la société civile dans le processus de justice transitionnelle, depuis sa conception jusqu’à son aboutissement, permettant l’ouverture de l’espace public aux débats de société sur les différentes réformes et les questions de fond intéressant l’opinion publique nationale.
Par ailleurs, il note que, grâce à des initiatives multiples pour la promotion de la justice transitionnelle, une prise de conscience collective s’est fortement cristallisée autour de la lutte contre les atteintes aux droits de l’Homme. Ce qui a fait des leçons ont été ainsi tirées et la nécessaire poursuite de la consolidation de l’Etat de droit a été réaffirmée.
Il est à souligner que la justice transitionnelle au Maroc offre tous les traits d’une expérience singulière et pionnière.Elle a ouvert la voie à une transition démocratique fluide et consensuelle. Ainsi, un cadre régulateur a été mis en place pour structurer de vastes réformes sociétales, y compris celles de nature constitutionnelle et législative.
Par ailleurs, des organes de concertation et des mécanismes institutionnels ont été créés pour opérer une rupture avec les violations perpétrées dans le passé, consacrer un mode de gouvernance publique fondée sur les règles de l’Etat de droit.
«Dans cette perspective, nous avons tenu à ce que soit reflétée dans la Constitution, les lois et les politiques publiques, l’acception la plus large des droits de l’Homme, qui recouvre tout à la fois les aspects politique, environnemental, économique, social et culturel. Nous avons également créé les institutions et les mécanismes constitutionnels nécessaires à la protection des droits humains dans leurs multiples dimensions. À cet égard, nous nous sommes personnellement attaché à ce que le concept de justice spatiale trouve une traduction concrète dans les politiques de développement, à ce que la notion de réparation du préjudice collectif soit intégrée à nos plans de développement. Nous avons également veillé à ce que, dans la mesure du possible et du nécessaire, les régions et les zones non bénéficiaires des fruits du développement et de l’essor réalisés par le Royaume du Maroc soient sorties de la marginalité », a-t-il fait savoir.
Le Souverain a martelé que la volonté résolue du Royaume a permis à un certain nombre de régions du Maroc qui accusaient un grand déficit de développement d’y remédier, certaines d’entre elles étant même devenues un modèle de développement spatial. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le monde rend témoignage des fruits du modèle de développement qui est à l’œuvre dans les Provinces du Sud du Royaume, devenues une zone attractive pour les investissements, où abondent aujourd’hui projets de développement, grandes installations et équipements d’envergure.
Grâce à cette expérience saluée à l’international, le Maroc a joué un rôle précurseur en introduisant le concept de justice transitionnelle dans son environnement arabe et africain, et en le relayant de façon retentissante dans de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Il faut souligner aussi que le modèle marocain a significativement contribué au développement du concept et des expériences de la justice transitionnelle qu’il a propulsés vers de nouveaux horizons au niveau régional, mais aussi continental et international.
« Ce que nous avons accompli aussi bien pour garantir in fine le respect et la préservation des droits de l’Homme qu’en matière de développement et de construction des institutions démocratiques, ne signifie nullement que nous avons atteint la perfection. Il n’empêche que ces réalisations, comme le monde l’atteste, symbolisent un modèle de démocratie émergente, authentique et enracinée. Notre souhait est que les séances de délibération autour des sujets à l’ordre du jour puissent mettre en évidence les meilleures pratiques issues des expériences de pays comme le Maroc, notamment les synergies établies entre les processus de justice transitionnelle et les réformes législatives, institutionnelles et constitutionnelles, ainsi que la complémentarité des rôles dévolus aux parlements, aux acteurs institutionnels et à la société civile en appui à la mise en œuvre des recommandations des instances de justice transitionnelle », a recommandé le Roi dans son message.
Dans la perspective de réformes durables, le Roi se dit être persuadé que cet important symposium est l’occasion de voir dans quelle mesure les processus de justice transitionnelle ont permis d’opérer une rupture avec les violations des droits de l’Homme et de quelle manière les recommandations issues de ces processus ont été appliquées.
«Nous avons bon espoir que vous saurez, à travers vos débats et vos analyses, accorder à l’expérience marocaine la place éminente qui lui échoit, étant donné qu’elle représente un trait distinctif de notre histoire politique contemporaine, laquelle puise ses fondements dans l’ancrage séculaire de l’État marocain », a-t-il souhaité.