Par Erick NGABA
Bangui 13 aout 2018—Ndjoni Sango : Si les leaders des groupes armés cherchent à se réconcilier alors qu’ils ne partagent pas les mêmes visions de leur lutte, c’est qu’il y l’anguille sous roche. Et quand à Moyenne Sido, les leaders des mouvements rebelles dont le FPRC, l’UPC, le MPC se sont tissés des alliances, le gouvernement centrafricain doit s’attendre aux actions machiavéliques qu’accoucheront les conclusions de cette rencontre.
Le communiqué final de la rencontre des leaders de l’ex Seleka à l’extrême nord de la République centrafricaine, apparaît comme une poudre aux yeux. Ça ne peut être que des esprits faibles qui peuvent croire au contenu biaisé de ce communiqué final signé par ces chefs de guerre. Cela dit, les vraies intentions officieuses de cette rencontre de Moyenne Sido sont toutes à fait contraires aux intentions officielles.
Curieusement, cette rencontre démontre plutôt le durcissement des positions des leaders de l’ex-Séléka contre le gouvernement. Si l’on se réfère au rapport du groupe d’experts de l’ONU paru le 23 juillet 2018, l’on comprendra que ces chefs de guerre cherchent par tous les moyens à faire front commun contre le pouvoir de Bangui.
« Les relations entre le gouvernement et l’ex-Séléka sont de plus en plus tendues. Si l’ex-Séléka a durci ses positions, c’est en grande partie parce qu’elle a l’impression que le gouvernement, qui a gagné en puissance opérationnelle en acquérant récemment des armes, privilégie une solution militaire et aligne sa position sur celle d’individus que le Groupe d’experts a qualifiés de « bellicistes » dans son rapport final de 2017 », lit-on dans le rapport du groupe d’experts de l’ONU paru le 23 juillet dernier.
Sur l’initiative du chef du Front Patriotique pour la Renaissance de Centrafrique (FPRC), Abdoulaye Hissene, une rencontre de réconciliation entre factions rebelles de l’ex Seleka a eu lieu le 5 aout 2018 à Moyenne Sido. Il s’agissait d’Abdoulaye Hisseine du FPRC, Ali Ndarass de l’Unicité pour la Paix en Centrafrique (UPC), et de Mahamat Alkhatim du Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC) ainsi que de leurs chefs d’états-majors respectifs.
Les intentions camouflées de la rencontre de Moyenne Sido
A l’issue de cette rencontre, un accord a été signé entérinant la mise en place d’une force mixte et une commission de gestion de crise.
« Nous avons décidé de mettre en place une commission commune qui sera chargée de régler de manière pacifique tout différend entre les commerçants, les éleveurs dans nos zones, la mise en place d’une force mixte FPRC-MPC-UPC compétente qui sera chargée de sécuriser le couloir de transhumance », indique le communiqué final conjoint des factions rebelles à Moyenne Sido.
Dans ce communiqué, les leaders de l’ex coalition Seleka veulent faire croire à l’opinion leur volonté d’œuvre pour le retour de la paix en Centrafrique et particulièrement dans les zones sous leur coup. Cela est considéré comme une mise en scène lorsqu’on sait que jamais les groupes armés ne militent pour la paix dans ce pays où ils pillent les ressources naturelles, rançonnent, violent, tuent la population, et s’opposent à l’autorité de l’Etat.
La réunification des factions rebelles de l’ex Séléka a été toujours un objectif continu du FPRC qui continue d’accentuer sa pression sur le gouvernement. Quand on sait qu’en avril dernier, le leader militaire du FPRC Abdoulaye Hissène avec ses éléments se sont réunis à Kaga-Bandoro pour planifier une offensive sur Bangui la capitale. Après plusieurs tentatives échouées d’un accord à Kaga-Bandoro avec l’UPC d’Ali Ndarass de marcher sur Bangui à travers l’axe Sibut à 180 km, les éléments rebelles du FPRC ont été neutralisés par les casques bleus de la Minusca vers Dekoua.
Ralliement au projet du FPRC de marcher sur Bangui
En avril dernier à Kaga Bandoro, Abdoulaye Hissène avait tenté en vain de convaincre les autres factions rebelles de l’ex Seleka qui se sont opposées à son projet de s’unifier en vue de marcher sur Bangui. D’après le rapport d’experts de l’ONU, Abdoulaye Hissène a également incité les communautés musulmanes de tout le pays à appuyer son projet en jouant de leur méfiance croissante à l’égard du gouvernement depuis « l’opération Sukula » ayant pour but l’arrestation des leaders des groupes criminels du KM5 à Bangui.
« Le 1er mai, le Groupe d’experts a rencontré le « général » Mahamat Al-Khatim et les représentants politiques du MPC, qui ont fait part de leur opposition catégorique au projet du FPRC de marcher sur Sibut. Mais, quelques jours plus tard, après l’Assemblée générale du MPC, tenue à Kaga Bandoro les 2 et 3 mai 2018, une nouvelle direction politique a été nommée et le Mouvement a exprimé publiquement son soutien à la stratégie du FPRC », a indiqué le rapport.
Aujourd’hui, les leaders de ces factions rebelles notamment le MPC et l’UPC se sont joints au projet du FPRC. Ce changement d’avis de ces deux factions rebelles peut s’expliquer par l’indignation suscitée dans la communauté « arabe », qui constitue le principal soutien du MPC, et chez les participants à l’Assemblée générale de 2 au 3 mai 2018 à Kaga-Bandoro, par la déclaration prononcée par le Président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, après les événements survenus le 1er mai à l’église Notre-Dame de Fatima, suite à l’échec de « l’opération Sukula » au KM5.
Le discours du Président Touadera a été considéré par les factions rebelles et leurs adeptes comme discriminatoire envers la communauté musulmane. Selon le rapport du groupe d’expert de l’ONU, c’est qui a convaincu Mahamat Al-Khatim, d’accepter le changement de position de son mouvement qui était en faveur du gouvernement dont il n’a jamais contesté la légitimité.
La rencontre de Moyenne Sido traduit le revirement de la situation sinon du changement des avis des autres leaders des factions rebelles qui, au début, étaient hostiles au projet du FPRC qui veut coût que coût en découdre avec le régime de Bangui malgré la politique de main tendue.
A Moyenne Sido, tout est ficelé entre les trois grandes factions rebelles de l’ex Seleka en vue de mettre en application le projet du FPRC qui s’impose en leader. Et leur réunification doit interpeller le gouvernement sur les actions qui en découleront, car indique le rapport du groupe d’experts de l’ONU, des acteurs politiques à Bangui ont également adhéré au projet.