Par bbc
Des mesures de restriction de l’accès aux réseaux sociaux sont entrées en vigueur depuis le 28 mars 2018 au Tchad, peu après la tenue d’une conférence nationale sur la Constitution.
A l’issue de cette conférence, le président du Tchad, Idriss Déby, au pouvoir depuis 30 ans, est autorisé par la Constitution à pouvoir se présenter aux élections présidentielles jusqu’en 2033.
Depuis la dernière élection présidentielle, en 2016, les détracteurs de M. Déby ne cessent de sonner la mobilisation par le biais des réseaux sociaux.
Cette mobilisation s’est avérée efficace car, selon Vincent Niébédé, le correspondant de la BBC à Ndjamena, la capitale, de nombreux Tchadiens utilisaient les réseaux sociaux pour organiser des manifestations anti-gouvernementales. Cette mobilisation a fait d’Internet une véritable menace pour le gouvernement.
L’accès à Facebook, Twitter, WhatsApp, entre autres, a ensuite été bloqué. Et depuis le blocage des réseaux sociaux, le nombre de manifestations anti-gouvernementales a chuté. Et celles qui ont pu se tenir ont été moins massives que les manifestations organisées avant le blocage des réseaux sociaux.
« Vivre sans Facebook, sans accès aux réseaux sociaux, c’est comme vivre dans une cellule de prison », a dit à la BBC le célèbre bloggeur tchadien Deuh’b Emmanuel.
Quel est l’impact de la censure ?
Le blocage affecte surtout les dirigeants des petites entreprises qui dépendent des réseaux sociaux pour trouver des offres de publicité et se rapprocher de leur clientèle.
Certains Tchadiens ont réussi à contourner la censure en utilisant des proxy Internet connus sous le nom de réseaux privés virtuels ou VPN.
Bien que les VPN soient libres d’utilisation, certains estiment que ces outils profitent en fin de compte aux entreprises de télécommunications car il faut beaucoup de temps pour télécharger les réseaux sociaux.
Mais la censure ne touche qu’un petit nombre de personnes au Tchad – seulement 4,9% de la population accède régulièrement à Internet – selon des données recueillies par Internet World Statistics.
Qu’en dit le gouvernement ?
Le gouvernement fait tout le temps l’objet de critiques en raison du blocage des réseaux sociaux.
Mais les autorités tchadiennes ont longtemps gardé le silence sur ce sujet. Plusieurs ministères rejettent toute responsabilité concernant le blocage.
L’Arcep, l’organisme public chargé des communications électroniques et postales au Tchad, déclare avoir reçu du ministère de l’Intérieur l’ordre de censurer les réseaux sociaux.
Mercredi, le porte-parole du gouvernement, Oumar Yaya Hissein, a dit à notre correspondant à Ndjamena que la censure était nécessaire pour des « raisons de sécurité ».
Pourquoi le blocage des réseaux sociaux a duré autant de temps ?
Selon notre correspondant, le gouvernement tchadien considère les réseaux sociaux comme une menace sérieuse.
Les mouvements rebelles hostiles au président Déby sont toujours actifs dans le pays, et selon un responsable de la sécurité interrogé par la BBC, le gouvernement estime que les réseaux sociaux sont un moyen pour les chefs rebelles de recruter davantage de jeunes.
Il faut rappeler aussi que grâce à ces nouveaux médias, des civils ont capturé des scènes de meurtre et de passage à tabac de personnes qu’ils ont publiées sur les réseaux sociaux, et le gouvernement dit tenir à empêcher de telles pratiques.
Le gouvernement va-t-il rétablir l’accès aux réseaux sociaux ?
Cela semble très improbable. Un groupe d’avocats tchadiens a intenté un procès aux entreprises de télécommunications en août 2018 dans le but de rétablir l’accès aux réseaux sociaux.
Mais ils ont perdu le procès. Les avocats ont interjeté appel mais la cour d’appel a rejeté jeudi leur demande, invoquant des « raisons de sécurité ».
Le collectif d’avocats dirigé par Daïnoné Frédéric et Frédéric Nanadjingué veulent à présent faire appel aux instances internationales compétentes pour mettre fin au blocage des réseaux sociaux.
Cette censure préoccupe Internet sans frontières, une association française, qui a annoncé le lancement, ce 28 mars, d’une série d’actions pour « commémorer un an de coupure des réseaux sociaux au Tchad », avec la collaboration d’associations tchadiennes.
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