Les guerres de positionnement et d’égo, les crocs-en-jambes ne cessent de se multiplier dans l’entourage du nouveau locataire du Palais de la Renaissance. Pendant que certains membres du Collectif des anciens candidats à l’élection présidentielle, ceux de la plate-forme des alliés et des ralliés multiplient les méthodes peu orthodoxes pour s’offrir une légitimité auprès du président FAT, d’autres s’indignent de la manière à laquelle leurs paires veulent coute que coute prendre le nouveau président en otage. Tout se passe comme si l’entourage du président FAT raisonne en termes d’intérêts égoïstes et grégaires. Pourtant ces compétences distinctives, qui gravitent autour du nouveau président, pouvaient également lui proposer d’autres pistes de réflexions en dehors du secrétariat de 100 jours. C’est dans cette optique que le journal centrafricain « ESSOR » a accordé une interview exclusive au président du PUR qui est également l’un des soutiens du nouveau locataire du Palais de la Renaissance.
ESSO : Bonjour, Eddy-Symphorien Kparékouti
Vous êtes président du Parti de l’Unité et de la Reconstruction (PUR),une des nombreuses formations politiques ayant soutenu Faustin Archange Touadéra au second tour de la présidentielle. L’élection du nouveau président de la République a concrétisé l’aspiration populaire de rompre radicalement avec la gestion de la chose que nous avons connue jusque là. Mais depuis un certain temps, les agitations des uns et des autres autour du nouveau président ne sont pas du genre à favoriser cette rupture, alors pensez que Faustin Archange Touadéra
peut encore impulser cette rupture ?
ESK : C’est un honneur pour moi de répondre à vos questions après l’exercice démocratique que notre pays vient de faire à travers les élections qui nous ont permis d’avoir un nouveau chef d’Etat et d’ici là, une Assemblée Nationale. Notre parti politique, le PUR, comme vous venez de le rappeler, avait fait le choix politique à un moment précis de l’histoire démocratique de la RCA de soutenir le candidat à la présidentielle Faustin Archange Touadéra. En fait, comme nous l’avions dit lors de l’annonce de notre soutien, c’était un choix basé sur des convictions qu’a portées ce parti politique depuis sa création, notamment celles de rigueur, d’intégrité, de transparence et de vision positive de notre cher et beau pays. L’élection de Faustin Archange Touadéra comme nouveau président de la République est une marque indiscutable de la rupture et de la transparence dans la gestion de la chose publique. Les Centrafricains, dans leur écrasante majorité ont fait ce choix avec détermination et responsabilité et c’est l’occasion pour moi de leur rendre l’honneur qu’ils méritent. Nous devons reconnaitre que de nombreuses entités tant politiques qu’apolitiques ont apporté leur soutien au nouveau président de la République et lui ont adressé le message que tous, nous voulons de la rupture rationnelle et courageuse. Chacune des ces entités est venue avec ses ambitions, ses forces et ses faiblesses. Mais toutes ne sont pas inscrites dans la même dynamique ; c’est connu et c’est cela la démocratie aussi. Je ne saurais nier qu’il y ait eu, entre la victoire de Touadéra et le jour où je réponds à vos questions, des manœuvres qui prêtent à des interprétations. Mais, le PUR que je préside ne saurait se déjuger au stade actuel parce qu’au moment où nous parlons, Faustin Archange Touadéra n’a ni encore commencé à poser des actes au titre des fonctions pour lesquelles il a été élu. Je pense qu’il est prématuré voire politiquement imprudent de vouloir douter de la capacité de cet homme d’Etat à marquer la différence et surtout à impulser la rupture pour laquelle il a été élu. La différence avec le passé, c’est que le nouveau président connait le paysage politique et donc ceux qui nagent dans ce milieu depuis des années et qui l’ont transformé, sans le dire, à un marché ou un espace d’intérêts égoïstes. Je reste convaincu que Faustin Archange Touadéra saura faire le nécessaire pour éviter à sa mandature un naufrage évident. Toutefois, je suis de ceux qui pensent que le nouveau président doit savoir faire confiance et en même temps se méfier de son entourage. Le président élu ne doit pas perdre de vu que, le malheur des chefs d’Etat centrafricains, est toujours venu de ceux qui les entourent. Cependant, depuis plus de 30 ans en matière de la gestion publique en RCA on change la vitrine mais l’arrière boutique reste le même.
ES : De nombreux Centrafricains vivent dans l’extrême paupérisation. Au jour d’aujourd’hui, l’écart entre les nantis et les démunis est très énorme. Pensez vous que le déclic devra venir des gouvernés ou des gouvernants ?
ESK : La misère indescriptible qui frappe la majorité de nos compatriotes, est l’une des raisons fondamentales de la création du Parti de l’Unité et de la Reconstruction (PUR). Nous nous sommes fixé des objectifs clairs sur cet aspect notamment la création des conditions
pour d’abord sortir le Centrafricain de la misère mentale et morale avant celle qui est matérielle, c’est-à-dire celle que nous avons l’habitude d’évoquer avec aisance alors qu’elle n’est que la résultante d’une misère plus profonde mais cachée.
Pour répondre à votre question, je dois dire que la solution à la misère, à notre misère, et à la misère de notre peuple n’est ni horizontale ni verticale. Elle est croisée c’est-à-dire qu’elle doit venir à la fois des autorités qui sont censées créer les conditions du développement durable et d’autre part des efforts du peuple pour profiter des opportunités offertes pour se battre, afin de stopper l’hémorragie d’affaiblissement, autrement dit ce que vous appelez «paupérisation ». Je pense que ce n’est pas une fatalité. Si tout le monde se mettait au travail, nous pourrons être le miracle du moment comme les Chinois l’ont été pour le siècle précédent. Seul le travail libère.
Es : Depuis qu’Abdoulaye Hissene a échappé dans les mailles du filet de la SRI, le pays vibre au rythme des tirs sporadiques. La paix semble de plus en plus précaire. Selon vous, quelle stratégies adoptées pour éradiquer définitivement ce traquenard sécuritaire ?
ESK : Je pense qu’il faut éviter d’être aussi pessimiste sur la question de la paix dans le pays. La RCA vient de très loin et cela est connu de tous. L’affaire à laquelle vous faites allusion est un fait qui appelle commentaire mais elle ne saurait créer un sentiment de pessimisme chez un leader politique comme moi qui ai suivi de près depuis des années l’évolution politico-sécuritaire de notre pays. Je pense qu’en Centrafrique, quelques fois, les autorités sinon des hauts responsables nommés par les autorités politiques, se moquent du peuple. Je ne peux comprendre que le parquet de qui dépend la gendarmerie qui a ordonné l’arrestation de Abdoulaye Hissene, puisse se comporter comme il l’a fait au moment des faits. C’était une libération ourdie par des gens qui sont dans le circuit. Les faits démontrent à suffisance qu’il y a eu complicité quelque part dans cette affaire et il est urgent que les responsabilités soient
établies pour que les coupables répondent de leurs actes comme Abdoulaye Hissene aussi. C’est déjà une leçon, alors il faut arrêter l’hémorragie avant que la mort ne survienne. La question de la paix, je suis d’autant plus serein aujourd’hui. Les criminels n’ont que la justice comme alternative et je pense que le nouveau pouvoir saura rendre la monnaie au peuple, surtout aux victimes de ceux qui ont cru que les armes et les tueries étaient lasolution à tous leurs problèmes.
Il faut dire que les secteurs de la justice et de la sécurité notamment la gendarmerie doivent faire partie des reformes urgentes et prioritaires du nouveau président car il y a trop de laisser-aller
voire de désordre entretenus en leur sein.
ES : La cheffe de l’Etat de transition passe la main au président élu, que
retenez-vous de la gouvernance Samba-Panza ?
ESK : Comme tous les régimes qui ont précédé le sien, Catherine Sampa-Panza a eu ses hauts et ses bas. Sans vouloir justifier quoi que ce soit, nous ne devons pas perdre de vue qu’à la différence de ses prédécesseurs, Catherine Sampa-Panza n’a jamais été préparée à cette fonction. C’est en dix jours tout au plus que cette femme a été poussée au pouvoir qu’elle croyait simple. Catherine Samba-Panza s’est donnée ; elle a tenu une autre version des pourparlers, en organisant les consultations populaires à la base ; elle a aussi organisé les élections dans les conditions que nous savons mais elle a été surprise et rattrapée par la réalité du pouvoir à laquelle elle ne s’attendait pas. La cheffe de l’Etat de transition a fait l’expérience du pouvoir et elle en est sortie avec une connaissance, je pense, bien fournie du
langage de pouvoir.
En clair, je pense que Catherine Samba-Panza a fait ce qu’elle a pu avec les considérations et les convictions qui ont été les siennes. Mais comme elle l’a si bien reconnu dans sa dernière interview à Jeune Afrique, la politique n’est pas son truc et moi, je ne saurais dire d’avantage.
Es : Quel est votre projet à court terme entant que leader d’un parti politique centrafricain ?
ESK : Le 30 mars 2016 notre Pays vient de renouer avec l’ordre Constitutionnel et par conséquent nous sommes entièrement disponibles pour servir notre Nation. Mais au-delà, nous allons nous investir pour restructurer notre parti, remobiliser les militants du PUR, les former, les éduquer politiquement pour être toujours prêts. Je compte aussi connaître d’avantage mon peuple, être à son chevet, l’assister de diverses manières pour créer selon mes moyens les conditions de sa sortie de la misère que nous avons évoqué plus haut et moi avons décriée. Il est certain que les prochains jours, mois et années seront décisifs et surtout remplis de mission pour notre jeune parti qui se veut responsable.
Es : EDDY-Symphorien Kparékouti, je vous remercie
ESK : C’est à moi de vous dire merci.