RCA: le chef de mission du FMI déplace-t-il ses batailles communautaires sur un dossier de souveraineté ?

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Une vue de centre ville de Bangui

Par Mamadou NGAINAM

Bangui 22 octobre 2024—(Ndjoni Sango) : Il arrive très rarement que des hauts fonctionnaires confondent ou mélangent leurs intérêts propres et ceux des institutions et des Etats souverains avec lesquels ils interagissent dans le domaine professionnel. Ceux qui s’y oublient finissent toujours par perdre raison et du même coup la fonction, tombant dans l’oubli et l’isolement.

Le cas qui nous intéresse est celui de monsieur Albert Touna Mama, chef de mission du Fond Monétaire International en République Centrafricaine. Cet économiste camerounais, keynésien de formation, grand défenseur de l’interventionnisme étatique dans la lutte contre l’inflation apparait comme l’un des profils les plus adapte pour aider à la stabilisation de l’économie centrafricaine.

Rôle que ce-dernier a joué jusqu’au mois d’aout 2023, changeant radicalement de posture depuis cette date. Et pour cause, une intrusion subjective qui est venue troubler son regard professionnel en l’amenant à formuler des propositions peu avantageuses pour ce pays en phase de redressement économique.

Docteur Albert Touna Mama avant aoû 2023

Pour mieux caractériser ce haut fonctionnaire et afin d’éviter tout jugement de valeur qui pourrait rendre partiale notre analyse nous vous suggérons quelques lignes du rapport du dernier trimestre 2022 de la mission qu’il a lui-même conduit dans la capitale centrafricaine.  Cet extrait est disponible sur le site officiel de l’institution internationale.

« L’exécution du budget en 2022 a été fortement perturbée par le ralentissement de l’activité économique et l’effondrement des recettes publiques, en particulier celles liées à la fiscalité des carburants. La prudence des autorités dans l’exécution des dépenses courantes et la sous-exécution du budget d’investissement ont permis de compenser en partie la contreperformance des recettes publiques et de contenir la hausse du déficit public.

La croissance économique en 2023 dépendra des conditions de financement et de la poursuite des réformes. Dans cette optique, le gouvernement est encouragé d’approfondir le dialogue avec la communauté internationale sur le financement concessionnel en 2023 et au-delà, afin de combler les besoins de financement extérieur et d’assurer la soutenabilité de la dette publique.

Des avancées dans ce dialogue ainsi que la poursuite des réformes, y compris les réformes visant à renforcer la gestion et la transparence des finances publiques et à améliorer la gouvernance ainsi que des réformes du marché des hydrocarbures, peuvent engendrer une reprise économique en 2023. Les risques pesant sur les perspectives économiques restent néanmoins élevés, y compris une détérioration possible des termes de l’échange et l’aggravation de la situation sécuritaire.

La loi de finances 2023 anticipe une stabilisation de la situation budgétaire et poursuit des efforts de mobilisation des recettes intérieures au travers de nouvelles mesures. La hausse des prix des carburants à la pompe devrait à la fois permettre à l’Etat de retrouver des recettes fiscales afin d’assurer les dépenses publiques prioritaires mais aussi de rétablir un approvisionnement régulier et de qualité en carburants sur l’ensemble du territoire.

La mission du FMI va mettre son expertise technique à la disposition des autorités centrafricaines pour réformer la structure des prix afin qu’elle soit plus flexible et protège mieux les populations les plus vulnérables touchées par les envolées des prix des hydrocarbures.

La mission encourage aussi les autorités à mettre en harmonie la loi régissant les cryptomonnaies en RCA avec les accords établis dans le cadre de l’Union Monétaire en Afrique Centrale (UMAC) et les dispositions communautaires applicables dans la CEMAC.

La mission du FMI tient à exprimer sa profonde gratitude aux autorités centrafricaines pour des discussions franches ainsi que pour l’accueil chaleureux qui lui a été réservé. »

La mission a rencontré le Premier Ministre, M. Félix Moloua, le Président de l’Assemblée Nationale, M. Simplice Sarandji, le Ministre des Finances et du Budget, M. Hervé Ndoba, la Ministre de l’Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale, Mme Virginie Baikoua, le Ministre de l’Energie, M. Arthur Piri, le Directeur National de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), M. Ali Chaïbou, d’autres membres du gouvernement et des hauts cadres de l’administration et de la BEAC, ainsi que des représentants du secteur privé et de la communauté des partenaires au développement. »

Notre rédaction tient à souligner qu’à l’époque de rédaction de ce morceau de rapport de mission, la multinationale française Total Energies assurait en monopole les importations des produits pétroliers en Centrafrique. La précision vaut la peine et vous verrez bien qu’il en fallait.

Docteur Albert Touna Mama apres septembre 2023…

Pour ne pas garder très long le suspens, nous préférons partager avec vous l’évènement qui va marquer la transition entre ces deux périodes : la signature entre l’Etat Centrafricain et la majeure pétrolière camerounaise Neptune Oil S.A pour l’exclusivité des importations des produits pétroliers dans le pays, en remplacement de Total Energies.

Avant de vous fixer sur l’enjeu soujacent, nous avons décidé de mettre à votre disposition un extrait du rapport de mission que conduisait encore monsieur Albert Touna Mama dans le pays.

« « La situation économie en République Centrafricaine est en voie de stabilisation. Les risques d’une crise majeure se sont atténués grâce aux efforts du gouvernement, appuyés par le programme FEC. Le marché des carburants, dont les perturbations récurrentes sont l’un des facteurs aggravants des difficultés que traverse le pays, connait un début de stabilisation. Les perspectives de financement budgétaire se sont aussi nettement améliorées, comme en témoigne le succès de la récente opération de syndication domestique.

Malgré ces évolutions positives, la situation reste tout de même difficile. Le rebond attendu de la croissance sera plus modeste. Les projections de croissance en 2023 ont été revues à la baisse de 2,2% à 1%. L’industrie manufacturière, la sylviculture, et les transports ont particulièrement été affectés. L’inflation est restée élevée, poussée par les prix des produits alimentaires et pétroliers. Cette situation continue d’accentuer l’urgence humanitaire, notamment dans les préfectures de la Vakaga et de Bamingui-Bangoran où la crise soudanaise engendre des difficultés sévères d’approvisionnement. Dans ce contexte, la récente baisse des prix des carburants à la pompe est à saluer, car ayant contribué à soulager les populations et entreprises centrafricaines et à encourager les ventes formelles en station.

Le gouvernement a fait des progrès dans la mise en œuvre du programme. Toutes les réformes prévues à fin octobre 2023 sont en passe d’être mises en œuvre. L’objectif de revenus domestiques à fin juin 2023 au titre du programme a également été surpassé. Cependant, les limites de déficit primaire et de financement net domestique ont été dépassées, reflétant pour le premier l’acuité des pressions sociales, et pour le second, les incertitudes qui continuent de peser sur la composition du financement budgétaire. Des mesures correctives ont été prises afin de pallier tout risque de dépassement budgétaire futur. »

Malgré tout ce bilan positif reconnu par la mission du FMI, cette dernière va paradoxalement engager auprès des autorités centrafricaines une campagne contre l’entreprise Neptune Oil S.A dont l’expertise a été majeure pour aider aux évolutions positives relevées plus haut.

Les avantages de la convention signée entre l’Etat Centrafricain et Neptune Oil S.A

Grace a cette convention, le gouvernement centrafricain a repris à son compte l’exclusivité de l’approvisionnement du pays. Neptune Oil S.A. n’étant que le partenaire stratégique qu’il a choisi pour gérer cette exclusivité grâce à son professionnalisme reconnu aussi bien dans le trading que la gestion de la chaîne logistique d’approvisionnement en produits pétroliers et gaz domestique.

Ainsi depuis le 1er décembre 2023, tous les opérateurs du sous-secteur de l’aval pétrolier (marketeurs, clients spécialisés et industriels, institutions internationales) doivent s’approvisionner exclusivement auprès de SOCASP (société de stockage des produits pétroliers RCA) à Kolongo, pour tous leurs besoins en produits pétroliers et gaz domestique.

Outre la maîtrise du circuit d’importation de tous les produits pétroliers et gaz domestique, donc maîtrise des coûts, l’Etat centrafricain tire d’autres bénéfices de cette convention exclusive. L’entrée de Neptune Oil S.A. lui permet de maîtriser les recettes découlant de la fiscalité pétrolière grâce à la mise sur pied d’une structure de prix unique. La RCA gagne également au niveau du contrôle plus accru du gouvernement sur les questions liées à l’énergie, source de souveraineté nationale.

Par ailleurs, Neptune Oil S.A.  consent des investissements majeurs pour améliorer la qualité et les capacités de stockage de la SOCASP, notamment : l’amélioration des capacités de dépotage au dépôt de Kolongo pour permettre des dépotages simultanés barge et camions-citernes, et augmenter la capacité de dépotage camions-citernes passant de 7 à environ 40 citernes par jour.

Sur le long terme, Neptune Oil S.A. a aussi déjà anticipé sur la campagne fleuve à venir du mois de juillet au mois de décembre 2024 en se positionnant sur trois commandes respectives de 60000TM de super, 40000TM de gasoil, et 10000TM de Jet A1.

Sur le court terme, le partenaire de l’Etat Centrafricain « a passé des commandes fermes respectives de 30 000 TM de super, 20 000 tonnes métriques (TM) de gasoil, 2 500TM de jet A1 qui sont en train d’être acheminés à l’heure actuelle en RCA » apprend-on. Ce qui porte à 52 500 TM le volume de produits pétroliers qui seront immédiatement mis en consommation au cours de ce mois de mars 2024.

L’entreprise a également passé des commandes fermes supplémentaires de 110 000 TM de super et de gasoil pour le second trimestre dont 50 000 TM étaient déjà livre a la SOCASP des avril 2024 pour continuer d’assurer sans faille l’approvisionnement du marché centrafricain ».

Dans le même sillage, et en vue d’exploiter tous les moyens de transport pour faciliter l’approvisionnement du pays, Neptune Oil a également contribué à la relance le transport fluvial des produits pétroliers qu’elle met à disposition de l’ensemble de sa clientèle.

Malgré tous ces efforts qui ont permis de renforcer la disponibilité du carburant et du gaz domestique dans le pays, la mission du FMI est intervenue auprès de l’Etat Centrafricain a coup de pression pour solliciter l’ouverture des importations de produits pétroliers a des operateurs agréés ou non, Cette mesure qui donne la voie a toute sorte de contrebandiers ne saurait que replonger le pays dans un cycle de désordre et remettre en question tous les acquis de l’Etat Centrafricain actuellement salués par l’ensemble de ses partenaires. Un coup de sagaie dans l’eau donné par monsieur le Chef de Mission du FMI à Neptune Oil S.A dans le seul but de nuire à sa coopération mutuellement fructueuse avec l’Etat Centrafricain.

Un chef de mission en plein règlement de compte pour une bataille de leadership communautaire

Aussi insoupçonné que cela paraisse, et malgré toute la subtilité qu’il y met, monsieur Albert Touna Mama ne s’attaque à Neptune Oil S.A que par désir d’éliminer un potentiel concurrent dans la course au leadership communautaire dans son département d’origine, la Lékié en périphérie de Yaoundé. En effet, contrairement à lui, monsieur Antoine Ndzengue est une âme au grand cœur qui brille par un accompagnement constant des jeunes de toute sa contrée d’origine.

Le président directeur général de Neptune Oil S.A est un discret chef d’entreprise dont les œuvres sociales et l’appui des microprojets contribue à rehausser son rayonnement communautaire. Pour beaucoup de fils de la Lékié il incarne les valeurs profondes qui peuvent inspirer la jeunesse et impulser un développement qualitatif.

Pour le chef de mission, l’objectif de redressement du Centrafrique semble avoir pris un coup des lors qu’il n’arrive plus à faire la part des choses entre son cahier de charges et ses calculs de leadership communautaire au Cameroun. Perdu dans cet imbroglio kafkaïen créé par lui-même, il ne peut plus donc produire que des textes contradictoires avec la situation d’amélioration qu’il observe et reconnait lui-même dans ses rapports de mission.

En guise de rappel, C’est en septembre 2009 qu’Antoine Ndzengue lance en partenariat avec le groupe suisse Optima Energy Ltd, la société Neptune Oil SA (détenue à l’époque à 20% par le Camerounais, et 80% par Optima). L’entreprise obtient l’agrément de l’Etat du Cameroun pour les activités de distribution, d’importation, d’exportation et de soutage des produits pétroliers.

Courant 2018, le groupe Optima Energy décide de se retirer et cède ses parts à Antoine Ndzengue qui devient alors l’unique actionnaire de Neptune Oil SA. Cette entreprise a été admise au sein du Groupement des professionnels du pétrole (GPP) depuis 2016, représentant environ 80% des parts de marché du secteur pétrolier aval camerounais. L’entreprise se positionne comme troisième opérateur après Total et Tradex.

Neptune Oil S.A constitue donc un partenaire fiable qui a l’expérience et l’expertise nécessaires pour accompagner le Centrafrique dans la pleine maitrise de ses approvisionnements et des recettes du domaine pétrolier, données fondamentales pour lutter contre l’inflation et booster les autres secteurs qui en dépendent.