L’appui discret de l’Algérie à l’Iran

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Par Mamadou NGAINAM

Bangui 23 juin 2025—(Ndjoni Sango) : C’est depuis des années que l’Alger a commencé à développer des liens diplomatiques avec Téhéran, à travers une médiation et une fidélité de manière discrète dans les moments clés de l’histoire géopolitique. Bien avant le début de la guerre entre Israël et l’Iran, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a reçu Mardi 8 avril dernier au Palais d’El Mouradia, le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghtchi qui lui a remis une invitation pour une visite officielle en Iran.

Cette invitation ne souligne pas moins l’excellence des relations algéro-iraniennes, si cette guerre compromet définitivement ce voyage du président algérien au pays des mollahs. Car, le vendredi 13 juin, la diplomatie algérienne a aussitôt condamnél’offensive israélienne contre l’Iran en évoquant une agression qui n’aurait pas été possible sans l’impunité dont jouit l’Israël.

Parce que parmi les trois pays du Maghreb, l’Algérie était le seul pays à publiquement exprimer son soutien sans ambages à l’Iran. Car, les deux pays ont tout de même considéré l’Israël comme ennemi commun.

C’est qu’il y a une longue histoire de services rendus entre Alger et Téhéran qui se sont offrir de bons offices, de ruptures et de réconciliations, A l’époque où Alger était la Mecque des révolutions dans les années 1970, le président Abdelmadjid Boumediene s’était impliqué dans une manœuvre pour régler un vieux contentieux entre l’Iran et l’Irak autour des frontières fluviales entre le Tigre et l’Euphrate.

Sous le patronage des Algériens en mars 1975, le shah Mohammad Reza Pahlavi et Saddam Hussein ont signé à Alger un accord mettant la fin de ce conflit ancestral, après des mois de discussions.

La diplomatie algérienne avec l’Iran

Quatre ans plus tard après cet accord conclu, l’Iran a sollicité les services auprès de l’Algérie. C’est en novembre 1979, c’est-à-dire onze mois après le début de la révolution islamique conduite par l’ayatollah Khomeini. Durant l’époque de ce soulèvement ayant renversé le régime du shah en l’obligeant à prendre la fuite, des centaines d’étudiants iraniens ont envahi l’ambassade américaine à Téhéran et ont pris 63 personnes en otages, dont une dizaine de personnes parmi le personnel retenu sont libérées plus tard. Les Etats Unis d’Amérique étaient sous le choc de cette affaire aux conséquences imprévisibles.

Comment faire plier les nouveaux dirigeants iraniens et faire revenir les otages américains dans leurs pays ?

Pour cela, l’Algérie était sollicitée pour mener une opération de médiation conduite par le ministre des affaires étrangères à l’époque, Mohamed Seddik Benyahia, vu comme un diplomate chevronné. En 1978, l’Alger avait déjà été sondé par le dirigeant chiite libanais, Moussa Sadr, pour offrir l’asile à l’imam Khomeini, avant son asile en France.

Après des mois de navette entre Washington, Paris et Téhéran, Benyahia est parvenu à faire signer le 19janvier 1981 à Alger un accord aux deux parties duquel les États-Unis se sont engagés à ne pas intervenir dansles affaires internes de l’Iran et à lever le gel des avoirs iraniens.

Pour ce service rendu, l’Iran accepte de libérer les otages, dont les 52 otages américains arrivent àl’aéroport d’Alger après 444 jours decaptivité. Ainsi, l’Amérique sera éternellement reconnaissante envers l’Algérie et les mollahs au pouvoir en Iran le seront aussi.

Un désaccord éclaté entre 1993 et 2001

Alors que la guerre fait rage entre l’Irak et l’Irak depuis septembre 1980, enterrant ainsi l’accord de 1975d’Alger, la diplomatie algérienne est à nouveau sollicitée pour jouer les bons offices afin de stopper cette folie meurtrière entre les deux voisins. Et c’est le même Seddik Benyahia qui est chargé de cette mission qui sera abrégée par un drame épouvantable.

On se rappelle encore du lundi 3 mai 1982, quand le Grumman G2 qui transportait Benyahia de retour d’une mission à Téhéran, a survolé la frontière turco-iranienne quand il a été touché par un missile. Cela a conduit à la mort tragique du ministre algérien et huit membres de sa délégation ainsi que les quatre membres de l’équipage.

Des interrogations ont été alors soulevé sur l’auteur du drame des négociateurs. Face à cette situation, Irakienset Iraniens se pointent du doigt accusateur. Seulement après des mois d’enquête, les Algériens ont remis à Saddam Hussein dans son palais à Bagdad, les résultats de leurs investigations.

Saddam Hussein se voyant devant un fait accompli, a reconnu la responsabilité de son aviation et a donc proposé des compensations qu’Alger a décliné. C’est une ironie du sort quand Seddik Benyahia avait échappé à la mort une année plus tôt lorsque son avion s’était écrasé près de l’aéroport de Bamako, au Mali.

De l’avis de la plupart des Algériens, le régime iranien manquera de gratitude et de reconnaissance. Car, au début des années 1990, la mouvance islamique était aux portes du pouvoir en Algérie, grâce notamment ausoutien de l’Arabie saoudite et de l’Iran.

A partir de janvier 1992, lorsque le pays bascule dans la guerre civile, l’armée et les services de renseignements algériens sont convaincus que les Iraniens apportent des aides aux groupes islamiques armés qui semaient la terreur.

En mars 1993, l’Alger a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran, en rappelant son ambassadeur au Soudan, cet autre pays qui soutenait les terroristes algériens. C’est un désaccord qui durera jusqu’en 2001 quand le président algérien Bouteflika a décidé de renouer les liens avec l’Iran, où il s’y rendra d’ailleurs à deux fois en 2003 et 2008.

À son tour, Bouteflika a accueilli en 2004 à Alger, Mohamed Khatami et Mahmoud Ahmadinejad en 2007 et 2010. Les dirigeants iraniens pouvaient alors compter à cette époque sur Bouteflika afin de soutenir le « droit de l’Iran d’acquérir la technologie nucléaire à des fins pacifiques».