RCA: Kerembessé–Bozizé, quand la vieille garde tente la « voie de La Haye »

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Rodrigue Mayté dit Kerembessè

Par Juste MBANGO

Bangui 18 octobre 2025–(Ndjoni Sango) : Le décor est désormais planté. L’avocat canadien Maître Philippe Larochelle et un collectif de la diaspora centrafricaine se présentant comme les « 12 apôtres» ont déposé auprès de la Cour pénale internationale (CPI) une communication visant le président Faustin Archange Touadéra et les instructeurs russes, dits « Wagner ».

Officiellement, il s’agit d’une démarche judiciaire; en réalité, beaucoup y voient la transposition d’un combat politique sur le terrain pénal international.

Derrière l’initiative, un visage connu. Kerembessé, de son vrai nom Rodrigo Maïté, ancien militant du KNK et proche assumé de François Bozizé. Son engagement éclaire le choix des cibles et la nature des accusations.

Les « apôtres » prolongent la stratégie de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), héritière du camp Bozizé, passée de la lutte armée, l’échec de 2020 est encore dans les mémoires, à une bataille judiciaire exportée vers La Haye.

«Deux options pour écarter Touadéra : le coup d’État ou la CPI. » L’aveu est limpide. Quand la CPI devient « l’alternative » d’un putsch, la cause n’est plus celle des droits humains, mais celle d’un changement de régime par d’autres moyens.

La méthode est désormais rodée : lives rageurs sur les réseaux sociaux, collecte de témoignages anonymes, puis compilation hâtive sous forme de communication au titre de l’article 15 du Statut de Rome.

Deux membres du collectif, connues pour leurs directs virulents, ont déjà été condamnées en France pour injures et diffamation, un signal fort sur la fragilité du socle probatoire de ces campagnes numériques.

Car la justice internationale repose sur des faits vérifiables et des témoins identifiés, non sur des narratifs viraux. Ici, la « preuve » se construit comme un produit médiatique : fragments agrégés, promesses de révélations, emballement en ligne. La démarche, sous couvert de droit, s’apparente à une communication politique.

Le nom de Philippe Larochelle n’est pas inconnu à la CPI.  Il a défendu Maxime Mokome, chef anti-balaka poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en RCA.

Qu’un avocat de la défense d’un milicien se retrouve à accuser aujourd’hui le pouvoir central des mêmes crimes n’a rien d’illégal, mais le contraste interroge. Dans ses sorties médiatiques, Me Larochelle fustige volontiers le « régime Touadéra », reléguant souvent les violences des groupes armés au second plan. Pour beaucoup d’observateurs centrafricains, cette indignation à géométrie variable traduit moins une quête de justice qu’un repositionnement politique.

Depuis 2013, la République centrafricaine a été dévastée par la Séléka et les anti-balaka. Des figures comme Yekatom et Ngaïssona répondent déjà devant la CPI, tandis que François Bozizé est recherché par la Cour pénale spéciale pour des crimes commis sous son règne.

En 2020, la CPC a rallumé le brasier par des attaques et pillages qui ont semé mort et désolation. Omettre ce contexte, c’est réécrire l’histoire au profit d’une narration où seul l’État serait coupable. 

Le lien entre Kerembessé, Bozizé et Larochelle trace la cohérence de cette offensive, une structure diasporique politisée qui tente de recycler un échec militaire en croisade judiciaire. L’usage de témoignages anonymes, la collecte numérique et les procès pour diffamation au sein même du collectif minent sa crédibilité.

Saisir la CPI n’est pas un crime ; instrumentaliser la justice internationale à des fins politiques, si. Car, comme le rappelle tout observateur sérieux, la CPI n’est pas un tribunal de réseaux sociaux.

Elle exige des preuves, des témoins à visage découvert et une rigueur incompatible avec le militantisme numérique. Lorsque Kerembessé évoque « le putsch ou La Haye », les masques tombent : la vérité devient un outil de stratégie.

Mais la justice, elle, ne se nourrit pas d’options. Elle exige des faits, de la transparence et une mémoire complète de nos tragédies, sans montage ni revanche.