RCA: l’affaire Dologuélé, symbole d’une crise de confiance envers une élite politique déconnectée

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Anicet Géorges Dologuelé président fondateur du parti URCA et leader de l'opposition centrafricaine

Par Juste MBANGO

Bangui 8 décembre 2025—(Ndjoni Sango) : L’affaire de la nationalité d’Anicet-Georges Dologuélé, figure majeure de l’opposition et candidat à la présidentielle de 2025, dépasse largement le cadre juridique. Elle cristallise une question centrale : celle de la loyauté, de la souveraineté et de la relation ambiguë qu’une partie de l’élite politique centrafricaine entretient depuis des décennies avec l’ancienne puissance coloniale.

Depuis 1994, Dologuélé a vécu ouvertement avec un passeport français, une situation tolérée dans un système où la loi de 1961, interdisant la double nationalité, n’était pratiquement jamais appliquée. Ironie de l’histoire, en 1999, alors qu’il était Premier ministre, il défendait publiquement le principe de l’unicité de la nationalité — un principe qu’il n’appliquait pas à lui-même.

Aujourd’hui, ses protestations face à la remise en cause de sa nationalité apparaissent à beaucoup comme le résultat d’un choix assumé pendant trente ans : celui de conserver une « porte de secours » française, un privilège dont ne dispose pas le citoyen ordinaire.

Son renoncement au passeport français en 2025 est perçu non comme un geste patriotique, mais comme une obligation tactique imposée par la nouvelle Constitution, qui interdit toute double nationalité pour les candidats à la présidence.

La trajectoire de Dologuélé illustre à elle seule l’ambiguïté de toute une génération politique formée et soutenue dans le cadre du système franco-africain. Son passage à la BDEAC, ses relations étroites avec les réseaux politiques et économiques français façonnent une perception difficile à dissiper : celle d’un dirigeant dont l’ancrage extérieur dépasserait celui dans les réalités nationales.

Dans une RCA marquée par des décennies d’ingérences, la question posée par une partie de l’opinion est simple. Un candidat si étroitement lié à l’ancienne métropole peut-il incarner un leadership pleinement souverain ?

Depuis 2013, la société centrafricaine connaît une profonde mutation de sa conscience politique. La quête de souveraineté, de dignité nationale et de rupture avec le paternalisme extérieur est devenue un élément central du débat public.

Dans ce contexte, la biographie de Dologuélé n’est plus seulement un document administratif : elle devient un symbole. Celui d’une élite perçue comme hésitant toujours entre Bangui et Paris, entre engagement national et opportunités personnelles.

L’affaire Dologuélé révèle, au-delà de son cas personnel, un problème structurel : une rupture croissante entre une partie de la classe politique et une population désormais moins disposée à accepter les ambiguïtés de loyauté.

La question juridique de son éligibilité n’est que la surface visible du problème. La question fondamentale, posée par de nombreux électeurs, est autrement plus brutale : « Pendant toutes ces années, qui avez-vous réellement servi ? Et qui servirez-vous demain si vous êtes élu ? »

À ce jour, Dologuélé n’a pas apporté de réponse jugée convaincante par une opinion publique devenue plus exigeante, plus consciente et plus vigilante sur la question de la souveraineté.