RCA: quand la SUCAF, filiale du groupe français Castel, finance la rébellion

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Montage photo/ les produits de la société SUCAF et le mercenaire Ali Darrassa de l'UPC bénéficiaire du financement illicite

EDITORIAL

Par Erick NGABA

Bangui 19 Août 2021—(Ndjoni Sango) : Un rapport de l’ONG américaine, the Sentry, accable le Groupe Castel qui, à travers sa filiale la SUCAF, finance la rébellion en République centrafricaine. L’usine de la production du sucre de la SUCAF à Ngangobo, une ville située au centre du pays, sert de financement illicite au mercenaire tchado-nigérien Ali Darrassa et ses troupes qui assurent la sécurité des installations et productions de la société dans la préfecture de la Ouaka.

On ne cesse de le dire, l’implication directe et indirecte de la France de la déstabilisation de la République centrafricaine. A travers ses entreprises et ses forces militaires, la France œuvre comme un sous-marin pour alimenter la guerre dans le pays. Le rapport de the Sentry vient confirmer tout ce qui se dit souvent.

En effet, pour protéger ses parts de  marché dans le secteur sucrier, the Sentry révèle que l’une des filiales africaines du Groupe Castel, à savoir  la Sucrerie Africaine de Centrafrique (SUCAF-RCA) a financé des milices armées responsables d’atrocités de masse. C’est depuis près de 20 ans, que le Groupe Castel exploite le sucre en  République centrafricaine (RCA), à travers sa filiale la SUCAF.

Un accord tacite signé avec le groupe rebelle UPC

L’enquête de The Sentry révèle que la SUCAF RCA a négocié un arrangement sécuritaire avec le puissant groupe armé en RCA, l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) du mercenaire Ali Darrassa, dans un contexte de crise politique et sécuritaire aigüe fin 2014. Par cet accord tacite, les leaders de l’UPC  se sont engagés à sécuriser l’usine et les champs de canne à sucre de la SUCAF RCA et à garantir la libre  circulation sur les axes routiers clés nécessaires à l’approvisionnement de l’usine sucrière.

La SUCAF  a également obtenu le soutien de l’UPC pour tenter de protéger le monopole de la société sur la distribution  du sucre dans plusieurs préfectures du pays, notamment par la saisie forcée du sucre de contrebande, en  particulier celui en provenance du Soudan.

Afin de protéger son marché sucrier, la SUCAF RCA a mis en  place un système sophistiqué et informel pour financer les milices armées par des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme d’entretien des véhicules et de fourniture  de carburant.

Selon le rapport de l’ONG the Sentry, cet accord tacite entre la SUCAF RCA et les milices de l’UPC s’est poursuivi jusqu’en mars  2021, mais son avenir reste incertain en raison du déploiement de forces gouvernementales et russes dans  des régions anciennement contrôlées par Ali Darrassa et ses troupes de  l’UPC.

Depuis leur création fin 2014, les milices de l’UPC, dirigées par le général autoproclamé Ali Darassa, ont commis des massacres, des enlèvements, des actes de torture, le recrutement d’enfants soldats ainsi que des violences sexuelles et basées sur le genre. Selon les Nations Unies, les milices de l’UPC ont commis  des atrocités de masse pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

L’enquête de the Sentry révèle  également que l’arrangement financier avec la SUCAF RCA a principalement profité à Ali Darassa le leader et Hassan Bouba, le numéro  deux de l’UPC et actuellement ministre de l’élevage.

Paiements directs en espèces 

Depuis la fin 2014, Ali Darassa aurait été payé en espèces près de 18 millions de francs CFA (31 000 dollars) par an jusqu’au début de 2021, tandis que son numéro deux et ancien coordinateur politique, Hassan  Bouba, aurait reçu 12 millions de francs CFA (20 000 dollars) par an jusqu’en 2019.

D’après le rapport, les versements à Hassan Bouba auraient cessé depuis qu’il a été démis de ses fonctions de coordinateur politique de l’UPC début  2021. En dehors de ces versements, il y a aussi d’autres paiements parallèles aux leaders et aux troupes de l’UPC.

Les paiements effectués par la société sucrière aux deux chefs de l’UPC représentent un total de  près de 150 millions de francs CFA (258 000 dollars) sur cinq ans, selon les calculs de The Sentry.

L’implication de l’armée française

Plusieurs témoins et sources disposant d’informations de premier plan ont indiqué à The Sentry qu’à partir  de septembre 2014, plusieurs rencontres ont eu lieu entre Ali Darassa et des officiers de l’armée française de l’opération Sangaris. Selon ces mêmes sources, les discussions visaient à sécuriser les intérêts français en échange d’un soutien politique, logistique et militaire aux milices armées issues de la  Séléka.

Un témoin de ces réunions affirme que les officiers français ont négocié la protection de l’usine de la SUCAF RCA pour permettre sa réouverture, ainsi que la libre circulation sur la route stratégique  Bambari-Ngakobo.

L’objectif, selon la même source, était de « neutraliser les anti-Balaka et de transférer  progressivement la protection à l’UPC ». L’armée française avait bien tenté de sécuriser la SUCAF RCA et  l’axe routier Bambari-Ngakobo en faisant appel à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies  pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA).

Cependant, en raison de l’inefficacité de  la MINUSCA, en particulier dans les zones contrôlées par l’UPC, la décision a été prise de privilégier un  accord avec Ali Darassa. Selon de nombreuses sources et témoins clés, l’arrangement sécuritaire entre l’UPC et la SUCAF RCA est  entré en vigueur à la fin 2014 à la suite de négociations menées par la direction de la SUCAF RCA à Bangui  et un représentant de la sucrerie de Ngakobo.

Le directeur de la SUCAF RCA basé à Bangui à l’époque aurait ainsi eu plusieurs entretiens privés en tête-à-tête avec Ali Darassa avec la seule présence d’un  interprète. Le directeur du site de Ngakobo a également rencontré régulièrement Ali Darassa sur le site  de l’usine sucrière et au quartier général de l’UPC.

Voilà comment la France alimente la rébellion en RCA. Ses entreprises et ses troupes déployées dans le pays font le ménage pour tirer profit de multiples crises qui ont détruit ce pays d’environ 5 millions d’habitants depuis des décennies.

Dans ses recommandations, The Sentry demande d’enquêter sur ses faits et de poursuivre les auteurs et co-auteurs de ces crimes organisés contre le peuple centrafricain.

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Judicael Ouikon-Dongongo
3 années il y a

Hein! Et avec tout cela, les pédophiles français et génocidaires responsables politiques, diplomatiques et militaires veulent donner de leçons aux imminentes autorités légales et légitimes du Centrafrique.

J’espère que ces infos ne sont pas tombées aux oreilles des sourds et que nos dignes autorités légales et légitimes doivent neutraliser judiciairement les médiocres, pédophiles et génocidaires français (personnes physiques ou morales) impliqués.