Propos recueillis par Emery Elvis Pabandji
Les élections européennes, le Parti des Citoyens Européens (PACE) et les enjeux de la crise en Centrafrique font l’objet d’une entrevue exclusive avec le jeune Franco-Centrafricain Arnaud MINIME, candidat à l’élection du parlement européen dans la ville d’Angers en France.
Ndjoni Sango (NS) : Bonjour, qu’est-ce qu’on peut savoir de monsieur Arnaud MINIME ?
Arnaud MINIME (AM) : Bonjour ! Vous qui nous lisez, j’espère que vous allez toutes et tous bien. Je prends ce temps pour vous remercier, ainsi que le journal Ndjönî Sängö, de me recevoir. Que peut-on donc savoir de moi ? Eh bien, ma foi, il me semble être un étudiant tout à fait lambda de 21 ans, franco-centrafricain à l’identité plurielle en perpétuelle quête de sens et à l’insatiable soif de connaissances. À côté de cela, j’écris et suis poète depuis la tendre enfance ; je dis parfois des chroniques pour la radio. Enfin, je m’investis également dans la vie associative, notamment à travers GlobDrep, qui est une association de lutte contre la drépanocytose. Mon mantra : « Fais de ta vie tes rêves, et de ces derniers ta vie ».
NS : Dites-nous comment se porte « PACE » après les élections européennes du 26 mai dernier ?
AM : Mmh…Je ne puis parler au nom du parti en son ensemble, car il se compose d’une pluralité de femmes et d’hommes qui, bien que mus par de mêmes idéaux, aspirent et ressentent différemment. Néanmoins, nous sommes une famille, une véritable coalition d’âmes qui se parlent par-delà la scène politique, et en cela, je crois que chacune et chacun d’entre nous perçoit, quelque part, ce que traversent les autres. En ce qui me concerne, les émotions, transversales, paraissent se succéder dans une valse-manège depuis le soir du scrutin, le dimanche 26 mai dernier. Je suis tantôt triste, tantôt content ; tour-à-tour satisfait ou déçu du résultat. Comprenez : cela a été le dénouement, furtif et implacable, de trois longs mois de campagne électorale. Autant de temps, chargé en souvenirs, à sillonner le pays et à converser avec celles et ceux qui l’animent, entendre et comprendre ce que les Français vivent et ont à dire. Ce sont aussi des sacrifices, des nuitées blanches, et j’en passe. C’est la fin aussi bien d’une aventure collective, que d’un cycle, d’un parcours initiatique personnel. J’ai beaucoup appris sur moi-même et sur autrui. Après l’effort, le calme et le réconfort : le cerveau et le corps ont donc tout le loisir de digérer, pour aller de l’avant. Des échanges que nous avons eus, je suppose que mes 78 colistiers passent par ces diverses phases, eux aussi.
Quant au parti, notre assemblée générale se tiendra le 8 juin prochain, à Bruxelles, capitale qui l’a vu naître en 2007. Ce sera l’occasion pour nous de se retrouver, de se fédérer, afin de dessiner les contours de la prochaine étape, qui sera peut-être décisive. De dire ce qui doit l’être, de mettre cartes sur table et d’affronter nos erreurs comme nos réussites, afin de progresser dans la sérénité. Mais soyez assurés que notre épopée sur les échiquiers politiques national et continental ne fait que débuter ! Donc le parti se porte plutôt bien, merci.
NS : Pourquoi choisissez-vous le Parti des Citoyens Européens (PACE) parmi tant d’autres partis politique en France ? Quel avenir pour ce parti ?
AM : Car, tel que mentionné plus haut, il y a cette dimension humaine. L’acronyme PACE signifie « Paix », en diverses langues européennes, notamment en italien. La paix est au cœur du projet politique du parti. Aviez-vous déjà eu vent, avant cela, d’une faction politique qui parlait explicitement de paix, comme d’un étendard lumineux, auparavant ? Moi, non. Nous parlons de paix sociale, de vivre ensemble, de solidarité, voire même d’amour. De paix entre Français, entre Européens, avec le reste de l’humanité, mais aussi avec les divers écosystèmes et la faune et la flore qui les peuplent. Paix sociale et paix environnementale. Je retiendrai cette citation de Jean Monnet – l’un des pères fondateurs de la construction européenne, qui traduit assez bien notre pensée : « Nous ne coalisons pas les États, nous unissons les Hommes ». Ou le fameux concert des nations, si cher à Renan. En tant que descendant d’esclaves, un fils de la Centrafrique ayant fui la furie des armes qui crépitait dans le voile de la guerre civile, parler d’apaisement, de vibrations, ça allait forcément me parler !
NS : À l’issue de l’élection de dimanche 26 mai, ils sont 79 à avoir décroché un siège d’eurodéputé français, mais en attendant le Brexit, 74 d’entre eux seulement vont pouvoir prendre leur fonction début juillet au Parlement européen. Que dites-vous de cette représentation française dominées par le Rassemblement National ?
AM : Je ne vais pas m’épancher outre mesure. Il m’apparaît que ces élections européennes ont été intéressantes à bien des égards. Il y a eu, premièrement, une hausse de la participation record, notamment auprès de la jeunesse et de l’électorat traditionnellement dit eurosceptique. Donc, en quelque sorte, c’est une victoire démocratique. Je me réjouis qu’une part non négligeable de la société française, et des sociétés européennes en général, prenne conscience de l’enjeu écologique. Ensuite et cependant, je ne peux que déplorer le succès des populistes et bonimenteurs qui manipulent l’opinion publique et trompent le peuple en se faisant passer pour ses alliés. Il y a eu, de surcroît, de nombreux dysfonctionnements, en particulier liés à la distribution par les services publics des bulletins dans les différents bureaux de vote.
En tous les cas, je souhaite bon courage à nos nouveaux élus qui sauront, je l’espère, face à la pression des lobbies et pays étrangers, défendre avec ardeur et sincérité le mandat qui est le leur, à savoir les intérêts de la nation française !
NS : En tant que porte-parole du Parti des citoyens européens dans le département de Maine-et-Loire, que pensez-vous des relations Union Européenne – Union Africaine ?
AM : Je pense qu’elles sont pertinentes et nécessaires. Nous évoluons dans un monde mondialisé, interconnecté. Pour ce cas particulier, les continents africain et européen sont désormais liés pour l’éternité par le pacte passé du sang et des larmes. Je veux bien sûr parler des croisades, de la traite négrière, de la colonisation, puis des différents épiphénomènes contemporains telle que la prédation capitaliste sur les matières premières.
Mais ils peuvent toutefois être liés aujourd’hui et demain par un nouveau pacte aux fondements et aux applications positifs. Un pacte enraciné dans l’entraide, la coopération, le respect mutuel et un rapport gagnant-gagnant. L’Union européenne contribue à l’essor technologique du continent qui a vu naître l’humanité. De l’autre côté, son pendant l’Union africaine, représente une manne et une source d’inspiration inestimables en termes de démographie, et donc de main-d’œuvre, mais aussi de ressources et de résilience. Ces deux ensembles continentaux voisins, frères, ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Ils doivent nécessairement collaborer, en cette période où plane la menace d’une future crise migratoire liée au désastre écologique et à l’effondrement du modèle civilisationnel capitaliste.
NS : Un adage dit : « on n’oublie jamais d’où l’on vient », quelle analyse faites-vous de la crise aiguë que traverse la République Centrafricaine, pays dont vous êtes originaire ?
AM : La Centrafrique a seulement soixante ans d’Indépendance. Cela fait peu, aussi bien à l’échelle d’un pays qu’à l’échelle des civilisations humaines. L’Histoire, l’anthropologie et la sociologie nous ont enseigné qu’il fallait souvent souffrir de traverser diverses périodes de tumulte politico-social, avant qu’un pays ne parvienne à maturation. Rome ne s’est pas construite un jour. Prenons l’exemple de la France : le roi Clovis a peiné à unifier les différents peuples établis sur le territoire qui est devenu celui de l’actuelle France. Et cinq siècles plus tard, sous le règne du pionnier de la dynastie capétienne, l’unité du pays demeurait encore très fragile. Or, la Centrafrique est née de l’assemblage très précaire, par les anciens colons qui se départageaient alors des zones d’influence, de dizaines d’ethnies totalement étrangères les unes des autres, contraintes de cohabiter au sein d’un seul et même pays. Le conflit religieux ne fait que graviter autour de cette question identitaire de fond, je dirais même originelle et inhérente aux circonstances de la naissance du pays. La cohabitation de groupes sociaux aux mœurs en apparence divergentes n’est jamais aisée. En France, le conflit idéologique qui sévit entre judéo-chrétiens et musulmans, trouve une tempérance dans le socle identitaire, le roman national qui fait l’unité de la France. Aux centrafricains de s’en inspirer.
Où est-ce que je veux en venir ? Il ne s’agit pas tant de légitimer la division, la guerre et la violence, que de tenter d’appréhender, de comprendre la situation, qui est peut-être hélas le simple court naturel des choses. Ainsi que l’énonçait la plume des penseurs sénégalais Felwine Sarr et Boubacar Boris Diop, l’on ne peut, de toute raison, attendre de la Centrafrique qu’elle parvienne en soixante ans au niveau de construction identitaire d’un pays comme la France, qui a plus de mille ans d’ancienneté.
D’un point de vue politico-juridique, peut-être qu’un système alliant fédéralisme et monarchie constitutionnelle apporterait des éléments de cohésion nationale.
NS : Quelques mots à vos électeurs en général et peut être aux Centrafricains qui vivent en France ?
AM : La xénophobie, c’est le rejet de l’autre, à travers la peur de l’inconnu. Or, comment les français dits de souche, peuvent-ils connaître les français issus de l’immigration si ces derniers ne consentent pas à aller vers eux. Et inversement. Cette éternelle querelle, cette dichotomie manichéenne opposant les personnes de carnation ou traits blancs, noirs, arabes, maghrébins, asiatique…ou que sais-je, doit cesser. Nous sommes une seule et même humanité. Et, par conséquent, nous devons vivre et agir ensemble. Puisque c’est de toute manière inévitable, alors j’aimerais que cela soit bon gré tant que faire se peut. Vous savez, il y a un précepte centrafricain, le Zö Kwê Zö, que l’on retrouve notamment à travers l’Ubuntu d’Afrique du Sud, qui signifie : Chaque être est. Ou, tout homme est une personne. Autrement dit : mon humanité existe en chacun de nous.
J’entends souvent le discours suivant : « ça ne sert à rien, de toute façon nous sommes chez les blancs, ce sont eux qui contrôlent tout ». Je pense sincèrement que c’est une erreur. Car, d’une part, cela place l’autre, le blanc, sur un piédestal, tout en plaçant celui ou celle qui a énoncé cette pensée en situation d’infériorité. Et donc cela contribue à créer une rancœur, une frustration, une colère et une division sociale nées de ce complexe d’infériorité que l’on aurait pu éviter. L’on va ainsi demander à l’autre, au blanc, de décider pour nous. Et, lorsque son action ne nous conviendra pas, l’on se comprendra dans une posture victimaire et diabolisatrice. Croyez-vous réellement qu’un blanc, même le plus bienveillant et bien intentionné, non-raciste qu’il soit, puisse savoir, appréhender et comprendre en profondeur des réalités qu’il n’endure par personnellement ?
Le terme politique, dans son étymologie d’origine grecque, au sens noble, signifie : polis-citas ; les « affaires de la cité ». En vérité, l’on fait tous de la politique, à différentes échelles. Le petit commerçant du coin contribue au bien-être commun en nourrissant son prochain, par exemple. Il le fait de manière individuelle. Il s’agirait d’aller plus loin, ensemble. Chers frères et sœurs centrafricains de la diaspora française, je vous invite donc à faire de la politique ! Pour vous-mêmes, pour ceux de votre communauté en France, pour le reste de la société française, mais aussi pour vos proches demeurés en terres natales. Vous pouvez incarner le changement que vous souhaiteriez voir dans ce monde. Et cela commence par cesser d’être passifs, et de devenir les acteurs de votre propre vie.
Ndjoni Sango : Merci pour votre disponibilité
Arnaud Minime : C’est à moi de vous remercier !
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