RCA: aucune juridiction ne saurait-elle se prononcer sur la légalité du décret créant le comité de rédaction de la nouvelle constitution?

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Une mobilisation à Bangui demandant le référendum constitutionnel @crédit photo Prince Nzapaoko

Bangui 31 Août 2022—(Ndjoni Sango) : La question de révision ou de la rédaction d’une nouvelle constitution continue d’animer le débat socio-politique en République centrafricaine.  La semaine dernière, le président de la République, Faustin Archange Touadera, a pris un décret créant le comité de la rédaction d’une nouvelle constitution comme le réclament les organisations de la société civile à travers les marches et les pétitions organisées sur l’ensemble du territoire national. C’est pourquoi, des experts juristes estiment qu’aucune juridiction nationale ne saurait se prononcer sur la légalité du décret créant ce comité de rédaction.   

Le peuple est le socle de l’Etat.  Cette force que rien ne peut arrêter s’est consacrée tout au long de l’évolution des sociétés contemporaines à se dresser en dernier rempart contre les volontés les plus sacrées voire les plus féroces. L’homme n’a jamais eu pour coutume de suivre une voie rectiligne ou un destin tout planifié. N’a-t-il pas désobéi à Dieu dans le jardin d’Eden pour suivre sa passion, ses envies, ses besoins ou ses émotions ?

Affronter le courant ou la volonté contraire a toujours été ce qu’a caractérisé l’humain. Prendre le taureau par les cornes n’est pas vaine chose. Nul ne saurait aller contre la volonté d’un peuple souverain qui a décidé de prendre les rênes de sa destinée.

Parlant de la démocratie qui est la forme de gouvernement plus crédible, est  le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est ainsi qu’est devenue LE MODE DE GOUVERNANCE de tous les temps. Tout tourne autour du peuple, le peuple dispose du pouvoir souverain qu’il délègue par un texte suprême en se gardant le droit de lui retirer.

Les textes imbus du pouvoir créent les organes nécessaires au fonctionnement de l’Etat qui se retrouvent eux-mêmes aussi investis du pouvoir populaire mais de façon dérivé l’on parle alors de pouvoir constituant dérivé.

Dans la plus part des démocraties, le peuple confie le pouvoir à la constitution qui va ensuite établir les règles et définir les institutions chargées d’encadrer la vie de la nation.

A la lumière de ce rappel, la République centrafricaine n’est pas à la traine en ce qui concerne l’évolution de son système démocratique par le respect d’un des plus grands principes en matière démocratique qui est celui de la séparation des pouvoirs.

Le principe de séparation des pouvoirs a été formulé par le philosophe anglais John Locke (1632-1704) dans son ‘’second treatrise on Civil Government’’ en 1960, puis par Monstesquieu formulé dans ‘’L’esprit des lois ‘’ (1748). La séparation des pouvoirs est un principe, une théorie, qui suggère que les trois principales fonctions de l’Etat (exécutif, législatif et judiciaire) devraient être exercées par des organes ou institutions distincts : le pouvoir législatif confère à l’Assemblée le devoir d’établir le règles, le pouvoir exécutif détenu par le gouvernement pour faire respecter ces règles, les tribunaux se retrouvent conféré par les pouvoirs judiciaires le devoir de régler les différends.

Chacun de ces trois pouvoirs exerce un contrôle sur les autres pouvoirs et vise à protéger les droits fondamentaux des citoyens contre toute violation. De ce fait, de nombreuses constitutions soutiennent le principe de coopération entre les différents pouvoirs en leur donnant les moyens d’agir les uns sur les autres.

La pertinence de cet article invite à ne pas faire une analyse de la séparation du pouvoir ou du contre-pouvoir en République centrafricaine mais à porter l’attention sur un point précis celui du contrôle de la légalité des actes administratifs par le juge (le pouvoir judiciaire) notamment le cas du décret N° 22348 du 26 août 2022 pris par le Président de la République Faustin Archange Touadéra (le pouvoir exécutif).

Le juriste et philosophe du droit autrichien Hans Kelsen (1881-1973) a posé, dans son ouvrage « Théorie pure du droit », paru en 1934, le concept suivant : l’ordre juridique est structuré et hiérarchisé. Il prend l’image d’une pyramide au sein de laquelle chaque norme tire sa validité de sa conformité à la norme supérieure.

Sur cette base, le droit administratif passe au crible les actes pris sous son régime à un contrôle de légalité tout acte administratif pris doit être conforme aux dispositions en vigueur. Le juge administratif se doit donc de s’assurer que les actes soient légaux, il doit donc effectuer un contrôle des actes. Cependant, certains actes administratifs sont insusceptibles de recours devant les juridictions du fait de leur importance, parmi lesquels les actes dits de gouvernement.

A l’origine, les actes de gouvernement rassemblaient toutes les mesures de l’administration inspirées par un mobile politique. La notion d’acte de gouvernement a subi un changement majeur avec l’arrêt du conseil d’Etat « Prince Napoléon » du 18 février 1875. Le prince Napoléon reprochait au ministre de la guerre de lui avoir retiré, après la chute du Second Empire, son grade de général délivré d’un mobile politique, cette mesure était en principe insusceptible de recours.

Suite à cette décision, la notion d’acte de gouvernement a évalué, son champ d’application en a été largement réduit mais sans disparaitre pour autant.

Désormais, l’acte de gouvernement porte sur 2 domaines :

  • Les relations entre l’exécutif et législatif
  • Les relations entre l’Etat et l’étranger.

L’on se souvient que le Général De Gaulle avait désigné un comité qui avait rédigé la constitution de la 5e République alors qu’il exerçait ses fonctions sous le prisme de la constitution de la 4e République. Le décret mettant en place ce comité n’avait jamais fait l’objet de recours ni devant le Conseil d’Etat ni devant le Conseil Constitutionnel, ni devant le Conseil d’Etat français, car il s’agissait d’un acte de gouvernement.

Pas plus tard qu’hier, le Président Ange Félix Patassé après son élection à la magistrature suprême de l’Etat en 1994 sous la bannière de la constitution de 1986, avait mis en place un comité qui a élaboré la constitution de 1995. Aucun recours n’a été fait devant une juridiction quelconque. Le MLPC version ZIGUELE Martin ne saurait dire le contraire. 

Le 06 août dernier, la démocratie a pris tout son sens en République centrafricaine, sur chaque parcelle de ce territoire les Centrafricains se sont levés et ont décidé de prendre un tournant décisif de l’histoire de leur pays saisissant l’exécutif par un mémorandum pour demander une nouvelle constitution. Le bureau de l’Assemblée Nationale en date du 10 août 2022 a demandé au gouvernement de déclencher la procédure référendaire en matière de réforme constitutionnelle.

Lors de son message d’adresse à la nation le 12 août 2022 le Chef suprême de l’Exécutif le Président de la République centrafricaine Pr Faustin Archange Touadéra a dit avoir pris connaissance de la demande de son peuple et qu’il devait ainsi la conduire à bon port. La Présidente de la Cour Constitutionnelle ne disait-elle pas lors de la prestation de serment du Président de la République je cite : « écoutez votre peuple, si vous êtes confronté à un problème, tournez vers votre peuple, consultez votre peuple…».

C’est dans ce contexte que le Président de la République, Chef de l’Etat a pris le décret du 26 août 2022 portant création du comité inclusif chargé de rédiger le projet de la nouvelle Constitution de la République centrafricaine. Un décret est un acte administratif unilatéral qui peut être règlement ou individuel pris par le Président de la République.

Les décrets peuvent en principe faire l’objet de recours devant les juridictions compétentes. Cependant, le décret du 26 août chargé de mettre en place un comité qui sur le fond ou la forme porte sur le domaine relationnel entre l’exécutif et le législatif. Ce qui fait donc dudit décret un acte de gouvernement conformément à la jurisprudence en vigueur la couvrant ainsi d’une immunité juridictionnelle. En d’autres termes le Décret N°22.348 du 26 août 2022 ne peut faire l’objet d’un recours devant aucune juridiction centrafricaine.

Cependant, il appartient à tout citoyen centrafricain, imbu du sens élevé de patriotisme de participer d’une manière ou d’une autre à l’élaboration de cette nouvelle Constitution.

Sinon, d’attendre le moment de l’adoption par le référendum de voter pour ou non à la nouvelle loi fondamentale. Le peuple reste en alerte maximum, en cas de forfaiture d’une juridiction quelconque, il y aura des ripostes immédiates et douloureuses.

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