INTERVIEW:
Par Marly PALA
Bangui 5 février 2020— (Ndjoni Sango). A quelques jours de l’an un de la signature de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR) du 6 février 2019, Mahamat Kamoun, ancien premier ministre centrafricain de la transition et président d’un nouveau parti politique dénommé Bêafrika ti é Kwè, dresse la situation politique actuelle de la RCA. Il répond aux questions du journal Ndjoni Sango.
Monsieur Mahamat Kamoun, Bonjour
Mahamat Kamoun : Bonjour monsieur le journaliste
Les centrafricains savent que vous avez conduit en votre qualité de Premier Ministre, l’action gouvernementale sous la transition en République Centrafricaine et que vous avez été la cheville ouvrière pour l’organisation et la tenue du 4 au 11 mai 2015, du Forum de Bangui ayant rassemblé plus de 600 participants. Vous venez de créer, depuis 8 mois, un parti politique dénommé « Bêafrika ti é Kwè » autrement dit, « La Centrafrique pour nous tous ». Quelles sont les motivations qui vous ont conduites à créer ce parti et pourquoi ce nom ?
Mahamat Kamoun : Bien, en passant le flambeau après la transition aux nouvelles autorités, rien ne prédisposait que après bientôt quatre ans, la situation du pays devait rester comme ça. Et je ne vous apprends rien, la situation économique du pays est lamentable. Lorsque vous jetez un coup d’œil sur les indicateurs socio-économiques de basse, le pays est toujours classé 185ème en terme de Business, le centrafricain vit avec moins d’un dollar par jour et l’accès à l’eau et l’électricité est devenu luxe. Sur le plan diplomatique, le pays n’a pas réussi à faire son retour dans le concert des nations comme il se devait. Et lorsqu’on regarde un peu du côté humanitaire, la réconciliation nationale et le dialogue politique, là également nous avons marqué un pas. Les centrafricains sont nombreux à continuer de vivre dans les camps des déplacés et ceux qui se sont réfugiés dans les pays voisins souffrent encore.
Et sur le plan de la gouvernance économique, administrative et politique, il ya des frustrations. Beaucoup de centrafricains y sont exclus juste parce qu’ils ont servi la transition ou parce qu’ils sont originaires de certaines régions. Et ils ont perdu leur travail sans rien comprendre.
Donc c’est la somme de tous ces évènements et suite à l’interpellation de bon nombre de nos compatriotes que nous avons décidé de créer ce mouvement dénommé Bêafrika ti é kwè ou Centrafrique pour nous tous, afin de lutter d’abord contre l’exclusion, en privilégiant l’inclusivité. Le Centrafricain que tu sois du nord, sud, est et ouest, en passant par le centre, on est centrafricain. Ce qu’il faut rechercher, c’est la synergie, la compétence, l’équilibre régional ; ça c’est d’un. Nous devons travailler et la vision de ce parti est de rassembler les centrafricains autour de l’unité de notre pays qui fait grandement défaut aujourd’hui.
Lorsque vous quittez Bangui pour aller vers Sibut et vous trouvez d’autres personnes qui ont des armes, lorsque les autorités ne peuvent pas sillonner librement certaines villes du pays, ou lorsque les centrafricains se regardent en chiens de vaillance, peut-on parler de l’unité ? Jadis, on était un peu plus unis. Aujourd’hui on est divisé, le clivage interreligieux ou communautaire reste encore vivant dans l’esprit des gens. C’est pour ça que nous avons dit non, il faut créer ce parti qui dit Centrafrique qui appartient à tout le monde. Nous devons travailler, en mettant l’Homme centrafricain au dessus de tout du point de vue santé, éducation, émancipation et aussi l’amélioration de ses conditions de vie.
Voilà ce qui nous a motivés pour créer ce parti qui se veut un parti de masse et qui est ouvert à toutes les personnes de bonne volonté, qui ont l’amour de leur patrie et qui veulent changer les choses pour le développement de notre.
L’actualité oblige, il ya un an que l’Accord Politique de Paix et de Réconciliation en République Centrafricaine (APPR-RCA) a été signé à Bangui entre les 14 groupes armés et le Gouvernement centrafricain sous les auspices de la Communauté Internationale, exactement le 6 février 2019. Quelle lecture faites-vous de cet accord ?
Mahamat Kamoun: On a pensé que pour ramener la paix et la sécurité dans le pays, il faut un accord avec les groupes armés, ceux qui détiennent les armes naturellement. C’est ainsi que l’initiative a été émise et tous les centrafricains qui aspirent à cette paix, ont cru à l’accord de Khartoum. Force est de constater, un an après sa mise en œuvre, il ya encore des problèmes. Lorsqu’on voit les derniers évènements de Birao, d’Alindao ou de Bria, on a ce droit de douter un peu de l’efficacité de cet accord. Ça c’est d’un ; de deux, le sang des centrafricains continuent toujours de couler un peu partout sur le territoire, de nombreuses personnes fuient encore des violences armées, on en compte une cinquantaine et ajoutant les récents affrontements qui ont eu lieu il ya une dizaine de jours.
Alors, on assiste à des cas de dénonciations, des violations flagrantes de cet accord aussi bien des groupes armés qui reprochent au Gouvernement de n’avoir pas respecté ses engagements ; tout comme le Gouvernement qui les accuse de n’avoir pas respecté l’accord. Donc bref ! Je pense que les résultats auxquels on est arrivé sont au deçà des résultats escomptés. Qu’est-ce qu’il faut faire ?
Nous allons bientôt fêter le premier anniversaire de la signature de cet accord, il est grand temps que les protagonistes signataires dudit accord puissent s’asseoir pour procéder à sa révision, en renforçant certains mécanismes tels que les sanctions, pour s’asseoir avec des gens qui réellement envie de contribuer au retour de la paix dans le pays pour signer. Parce que, si les gens placent leurs intérêts personnels au dessus de l’intérêt national, on peut beau signer, réviser d’autres accords, on s’en sortira pas.
C’est pourquoi je pense que les résultats de cet accord sont mitigés. On entend d’un côté le comité de suivi, des avancées de l’autre côté. Mais nous autres observateurs de la vie politique nationale, estimons qu’il ya encore beaucoup de manquements, et beaucoup restent à faire.
Monsieur Mahamat Kamoun, merci !
Mahamat Kamoun: C’est à moi de vous remercier !
Interview réalisée par Marly Pala
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